Le Kenya est à nouveau à feu et à sang. Au moins 50 jeunes manifestant·es ont été tué·es par les forces de l’ordre depuis le 25 juin et des centaines de blessé·es par balles sont à déplorer. C’est en voulant commémorer la soixantaine d’assassinats commis dans d’autres mobilisations en 2024, et protester contre la corruption et les politiques liberticides du gouvernement que la «génération Z» s’est à nouveau mise en danger. Cela démontre encore une fois le courage exceptionnel d’une grande partie de la jeunesse africaine, comme on l’a vu l’année dernière au Nigeria, en Ouganda et en Tanzanie (notre édition du 29 août 2024), et précédemment au Burkina-Faso, au Mali et au Sénégal où des victoires décisives ont été obtenues.
Les protestataires exigent non seulement des opportunités économiques et des politiques sociales, mais aussi la fin des détournements des fonds publics et une politique souveraine face aux anciens pouvoirs coloniaux. Les gouvernements européens, dont la Suisse, devraient s’en souvenir lorsqu’ils soutiennent directement ou indirectement des régimes véreux et autoritaires, sources d’une bonne part de la misère qui pousse les jeunes à migrer sous nos cieux. Ou encore quand ils sabrent dans les aides au développement, comme le Conseil fédéral l’a fait cette année.
En cet été 2025, ce sont le Kenya et le Togo qui tiennent le haut de l’affiche. Dans le pays francophone, c’est le sempiternel problème ouest-africain des velléités du clan présidentiel autoritaire – les Gnassingbé, aux affaires depuis 1967!, – à se maintenir au pouvoir qui compose la toile de fond. Fin juin, sept participant·es aux rassemblements ont été tué·es par la police dans la capitale togolaise. Comme au Kenya, la répression et le musèlement des voix critiques ont aussi attisé la colère. A Lomé, Nairobi et ailleurs, des détentions arbitraires et des mesures de restrictions des libertés d’expression et d’association ont précédé et accompagné les mouvements de contestation. Au Kenya, les comptes de réseaux sociaux d’opposant·es ont été fermés, puis l’un de ses cyber-militants, Albert Ojwang a été retrouvé mort deux jours après son arrestation dans une cellule du commissariat central avec des traces de sévices sur le corps.
Les autorités ne s’y trompent pas en ciblant la toile. La génération Z africaine est également devenue experte dans l’utilisation des réseaux. Et pas seulement pour protester. Au Kenya, certain·es promettent de surveiller de près, avec de nouveaux outils numériques, les élections de 2027 pour empêcher les fraudes. Reste que le rapport de force est imposé aujourd’hui dans la rue. SiriNiNumbers, «le secret est dans le nombre», répètent en anglo-swahili les manifestant·es, qui ont cette puissance de leur côté.