Le climat change, à l’échelle mondiale et en Suisse. De nombreux indicateurs le prouvent de manière impressionnante et sans équivoque. Les températures et le niveau des mers augmentent, les masses de glace fondent, le cycle de l’eau se modifie, le permafrost dégèle et les écosystèmes se dérèglent.» C’est l’Office fédéral de météorologie et climatologie qui nous le rappelle. Il poursuit: «Le changement climatique observé est presque entièrement dû à l’émission de gaz à effet de serre par les activités humaines.»1> meteosuisse.admin.ch/climat/changement-climatique.html Et puis quoi?
On a pris conscience du risque des canicules pour les seniors à la suite d’une surmortalité évidente à l’été 2003 – il y a plus de vingt ans déjà! – et des «plans canicules» ont été mis en place un peu partout, orientés sur une prévention secondaire individuelle2> vd.ch/index.php?id=2021726#c2092772: trop chaud, conseils à la population. Mais les seniors ne sont pas les seules personnes vulnérables.
Une étude de revue systématique publiée en 20233> onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jmwh.1350: The Impact of Extreme Heat Exposure on Pregnant People and Neonates : A State of the Science Review a mis en évidence que l’exposition à la chaleur peut entraîner de nombreux effets néfastes pour les femmes enceintes et les nouveau-nés. On sait, nous dit cette revue de littérature scientifique, que, «pendant la grossesse, des changements physiologiques normaux, tels qu’une sensibilité hormonale accrue et des changements dans la circulation sanguine et dans le volume sanguin, peuvent réduire la capacité d’une personne enceinte à réguler sa température corporelle, augmentant ainsi sa sensibilité aux effets néfastes de la chaleur sur la santé. L’exposition à la chaleur peut entraîner une élévation de la température corporelle centrale et du pouls maternel, ce qui peut entraîner une tachycardie du rythme cardiaque fœtal et déclencher des contractions utérines. La grossesse augmente le volume sanguin et les besoins en hydratation, augmentant les risques de déshydratation. La combinaison de la déshydratation et de l’exposition à la chaleur contribue en outre à l’incidence des contractions prématurées et peut modifier le flux sanguin vers le placenta, entraînant des complications plus graves telles qu’un décollement placentaire et un retard de croissance fœtale.»
Ce n’est pas vraiment banal et montre – s’il est encore nécessaire – que la grossesse, pour merveilleuse qu’elle soit, mérite une attention particulière en lien avec le réchauffement climatique: trois situations gravissimes que sont l’hypertension avec son risque d’éclampsie, le décollement placentaire avec son risque d’hémorragie cataclysmique et la mort du bébé, et l’accouchement prématuré sont particulièrement préoccupantes. Les études publiées à ce jour mettent en évidence une augmentation de l’incidence en cas de pic de chaleur, mais n’arrivent pas à trancher si cela ne fait qu’aggraver des situations à risque ou si cela peut être la cause primaire de ces complications… mais le fait est là et les études se poursuivent.
Vous me direz: «Il suffit de mieux suivre les grossesses, prendre les mesures nécessaires et tout ira bien.» C’est peut-être vrai chez nous, mais plus compliqué par exemple dans le delta du Bengale: là, le réchauffement climatique fait monter le niveau de la mer, avec une érosion des côtes, et une salinisation des terres qui deviennent impropres à la culture. Ces changements environnementaux ont provoqué des déplacements de population à grande échelle, bouleversant les vies et soumettant à un stress énorme les systèmes de santé déjà fragiles de la région, mettant à mal la sécurité alimentaire. De nombreux villages deviennent pratiquement inaccessibles en période de mousson. Et des sources d’eau douce se salinisent, deviennent impropres à la boisson, sans parler du risque de contamination que cela représente avec son lot de diarrhées.
Une enquête faite en 2022 a mis en évidence que, dans ces conditions, presque la moitié des grossesses sont à risque, avec une possibilité d’intervenir moindre pour des questions d’isolement: il y a bien des tentatives portées par le gouvernement et des ONG (dont Terre des hommes Suisse) visant à former des intervenant·es en santé des communautés pour minimiser les risques et pour réaliser un certain nombre de gestes sur place; ces tentatives ont un certain succès et sont porteuses d’espérance pour ces populations «victimes collatérales» de notre monde consumériste que l’on ne sait plus comment stopper…(C’est comme la guerre, c’est rentable pour certains!)
Et pourtant, ce n’est pas une fatalité mais un choix politique!
Notes