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Les Eaux-Vives sous la vague – un succès populaire sous pression

Sylvain Thévoz déplore le manque d’aménagements dans un quartier victime de son attractivité.
Genève

Le succès de la plage des Eaux-Vives est retentissant. Ce sont des milliers de personnes, venant des quatre coins du canton et de bien au-delà qui se retrouvent quotidiennement aux Eaux-Vives, de manière particulièrement explosive l’été, pour profiter d’un accès à l’eau. Voilà un exemple à valoriser, comme l’est le Léman Express, de la nécessité de fournir à notre population de nouvelles infrastructures pour répondre aux besoins croissants des habitants. En période de canicule, l’accès à l’eau est vital et la plage des Eaux-Vives victime de son succès. La densité de population au mètre carré pose désormais des problèmes d’usage et d’entretien. La plage des Eaux-Vives est un magnifique succès, oui. Toutefois, ce succès met en lumière de nouveaux défis, notamment en matière de gestion des flux, de propreté et de sécurité.

Les dizaines de milliers de personnes qui arrivent dans le quartier provoquent des nuisances de plus en plus fortes et engendre des pressions croissantes sur le quartier. Les autorités avaient assuré un accès à la plage majoritairement en transports publics. Dans les faits, ces derniers sont largement sous-dimensionnés et peinent à suivre, laissant les usagers comme les habitant·es dans une impasse. Force est de constater que les bus sont saturés, en raison notamment de l’encombrement routier et du stationnement anarchique. Le va-et-vient incessant des deux-roues motorisés exaspère les habitant·es et compromet sérieusement la sécurité des piéton·nes.

Rien n’a été fait pour limiter les accès motorisés à la plage. Résultat, les Eaux-Vives étouffent sous le trafic de transit et de loisir et les piétons poireautent pour traverser la route ou risquent leur peau sur la chaussée. Les trottoirs sont devenus trop étroits. Les foules se déplaçant à pied débordent de manière dangereuse sur la chaussée. Une accumulation d’événements dans le même périmètre sans vision d’ensemble – un triathlon, une fan zone d’Eurofoot sur la plage et un petit train qui zigzague au milieu – ajoute à la saturation déjà critique du quartier, comme si l’on cherchait à tester les limites du supportable. Rajoutez encore à cela un concert sur la scène Ella Fitzgerald et une piscine de Genève plage qui débonde et ce sont probablement plus de 10 000 personnes qui se trouvent concentrés au même endroit. Folie.

L’été, les Eaux-Vives prennent des allures de station balnéaire surpeuplée, mais les aménagements, eux, n’ont pas suivi. Le contraste entre affluence et infrastructures obsolètes devient difficilement tenable. Il est urgent de repenser les plans de ce quartier pour l’apaiser, avec davantage de verdure, des itinéraires piétons plus généreux et une priorité absolue aux transports publics. La seule mesurette identifiée a été de limiter l’entrée de la rue des Eaux-Vives au trafic motorisé. Provisoire, cette décision qui allégeait quelque peu la charge de véhicules dans le quartier a été révoquée. Elle devrait à l’inverse absolument être pérennisée. Sans mesures rapides pour aménager, adapter, accompagner, mais aussi réguler, il est à craindre que la quiétude, la salubrité et un fragile équilibre ne soit rompu, amplifiant des réactions de rejet, comme on a pu le constater dans des villes comme Barcelone ou Venise. Il n’est plus l’heure de faire comme si tout allait bien en empilant les gens au même endroit sans respect pour les habitants et le biotope.

Genève doit faire mieux. Pour les habitant·es, pour les visiteurs, et pour l’environnement urbain dans son ensemble. Il est encore temps d’agir. Mais il faut sortir du déni et affronter la réalité avec lucidité.

Sylvain Thévoz,
député au Grand Conseil, Genève