L’Iran a subi plus d’une semaine de bombardements israéliens intensifs. Le cessez-le-feu convenu mardi avait déjà été rompu à l’heure où nous mettions sous presse. La séquence historique à laquelle nous avons assisté a-t-elle définitivement creusé la tombe du droit international? C’est une des conséquences prévisibles de ces frappes israéliennes et étasuniennes menées avec l’assentiment européen, dans la foulée du génocide en cours à Gaza. L’attitude occidentale face aux crimes contre l’humanité à répétition commis par Israël avait déjà donné les premiers coups de pelle. Pendant plus d’un an et demi, Etasuniens et Européens ont jugé tout à fait acceptable de massacrer des dizaines de milliers de civil·es, dont plus de 15’600 enfants. Non seulement en refusant toute sanction contre l’Etat hébreu, mais en l’encourageant par leurs déclarations et en lui livrant des armes ou des composants militaires utilisés contre les populations.
L’attaque contre l’Iran s’inscrit dans la même logique. Alors qu’au début des années 2000, la France, l’Allemagne, la Belgique, la Grèce et d’autres s’étaient opposés à raison à la «guerre préventive» illégale des Etats-Unis contre l’Irak, menée au nom de la présence d’armes de destruction massive imaginaires, l’Union européenne s’aligne aujourd’hui sur les hostilités déclenchées par Tel-Aviv et Washington. Sans égard pour la Charte des Nations Unies, sans compassion pour les civil·es iranien·nes. Le parallèle avec l’Irak de 2003 est frappant, tant le programme d’armement nucléaire iranien est un prétexte fallacieux. La réaction légitime de l’Occident face à l’agression russe de l’Ukraine perd aussi de ce fait toute crédibilité aux yeux des populations et des gouvernements du reste du monde.
Les effets possibles sur la multiplication des guerres sur la planète en sont incalculables. La Chine se sentira-t-elle encouragée à envahir Taïwan demain? L’image un tant soit peu progressiste présentée par l’Europe disparaît sous nos yeux. Tenter de justifier les agressions militaires en Iran et à Gaza par la nature démocratique des Etats européens, étasunien et israélien et par le fait que ceux-ci seraient au service du «bien» ou de la «civilisation» ne fait pas illusion. Pire, cette rhétorique discrédite l’idée même de démocratie dans de nombreuses régions du monde.
A l’heure où les Nations unies fêtent leurs 80 ans, ce n’est pas tant cette institution qui est délégitimée que le comportement des grandes puissances qui la dominent. Ce jubilé devrait être l’occasion de réaffirmer la primauté du droit international, plutôt que de le dynamiter.