Difficile de se mobiliser quand on vit dans la peur constante d’être expulsée. Pour les femmes sans-papiers, participer à la Grève féministe relève souvent de l’impossible. Nancy Aguirre, vice-présidente du syndicat SIT et membre active de la Grève féministe à Genève, le dit sans détour: «Demain, beaucoup de femmes employées sans-papiers, dans l’économie domestique ou le ménage, ne pourront pas faire grève. Leur situation est trop précaire, trop risquée pour elles.»
Les obstacles sont nombreux, à commencer par la stigmatisation syndicale. «Quand on est sans-papiers, être syndiquée, c’est être mal vue. On risquer d’être virée», déplore la militant. Pourtant, elle continue d’y croire. Pour elle, la grève reste un outil indispensable: «On se fait toujours arnaquer. Le seul moyen de se faire entendre, c’est la grève.» Surtout, elle estime que «plus il y aura de femmes suisses mobilisées, moins les femmes sans-papiers se sentiront seules et vulnérables à rejoindre le mouvement».
Redonner du pouvoir d’agir
Et puis, des passerelles existent. Partout où elle est implantée, la Grève féministe s’appuie sur un maillage de collectifs syndicaux, féministes et de soutien aux migrant·es pour aller à la rencontre des femmes sans statut. «On essaye de faire un travail le plus inclusif possible. Le fait que les membres de la Grève soient aussi membres d’autres collectifs aide beaucoup», explique Marianne Ebel, membre du collectif neuchâtelois de la Grève féministe, de Droit de rester et de la Marche mondiale des femmes. Elle évoque par exemple les liens avec les résident·es du Centre fédéral pour requérant·es d’asile de Boudry: «Il y a énormément de problèmes dans l’accueil, pour les femmes mais pas seulement. On essaye d’agir concrètement, de faire en sorte qu’elles soient mieux prises en charge.»
L’inclusion des femmes sans-papiers ne se limite pas aux mots d’ordre. Elle passe aussi par des actions concrètes d’accompagnement. Car l’une des forces du mouvement est de se tenir aux côtés des victimes de violences sexistes et sexuelles. A travers la Suisse romande, les militantes de la Grève accompagnent régulièrement des femmes dans des démarches difficiles, comme les auditions de police ou les audiences au tribunal. Cet accompagnement prend de multiples formes: présence physique, traduction, mise en lien avec des avocat·es ou des structures d’aide. Une manière de rompre l’isolement, de redonner du pouvoir d’agir. D’autant que pour les femmes sans statut, porter plainte peut signifier risquer l’expulsion.
Cette solidarité dépasse la journée du 14 juin. Elle s’inscrit dans une continuité militante, héritée à la fois du syndicalisme et des luttes féministes. «La grève de 2019 a hérité de tout le bagage des féministes qui avaient déjà une expérience de terrain, de contact», souligne Marianne Ebel.
Le 14 juin en suisse romande
Programme non exhaustif de la Grève féministe du 14 juin 2025 dans les cantons romands et sur des places rebaptisées.
Genève. Dès 12h: pique-nique géant au Parc des Cropettes. Activités participatives telles que contes, quiz féministes, ateliers de chorégraphie et de pancartes. La manifestation démarre à 15h, direction les Bastions de l’égalité, au parc des Bastions.
Vaud. De 15h à 21h, le collectif occupera la place Sainte-Françoise à Lausanne. En raison de la Fête fédéral de gymnastique, le cortège traditionnel est renvoyé à l’an prochain. Prises de parole, stands, et DJ (dès 19h15).
Neuchâtel. Manifestation à La Chaux-de-Fonds avec un rassemblement à 14h sur la place de la Gare. Diverses animations et discours sont prévus pour sensibiliser et mobiliser les participantes et participants.
Valais. A Sion, rendez-vous dès 13h sur la place de la Planta, qui devient le «théâtre de la culture, de l’engagement et de la convivialité». Le cortège démarre à 16h.
Fribourg. Des ateliers en mixité choisie ont lieu à la Fabrique dans la matinée et jusqu’en début d’après-midi. Le cortège partira à 14h30 de la place Pythone (rendez-vous dès 13h).
Jura. Sur la place Roland-Béguelin, à Delémont, atelier pancartes à 14h. Stands et discours avant le départ de la marche à 16h, direction la cour du Château. CO