Ignazio Cassis a démontré – une fois de plus – sa volonté de minimiser les responsabilités de l’armée d’occupation israélienne dans la guerre génocidaire contre les Palestinien·nes dans la bande de Gaza, lors de sa prise de parole au 19h30 de la RTS du 3 juin. Dans cette quête, le conseiller fédéral en charge des Affaires étrangères n’a pas hésité à propager des propos mensongers, sans être contredit par le présentateur du téléjournal. Le conseiller fédéral Cassis a notamment affirmé que «nous n’avons pas le droit de mettre tout le poids sur Israël» dans les entraves à l’aide humanitaire dans la bande de Gaza occupée. Il a aussi ajouté: «N’oublions pas que si le Hamas rendait les otages à Israël, il y aurait déjà un cessez-le-feu…». Ces contre-vérités, et d’autres exprimées durant l’entretien, ont été dévoilées par des fact-checking publiés dans la presse.
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Les déclarations du conseiller fédéral ont suscité une vague d’indignation dans divers milieux. De fait, de plus en plus de voix issues du monde politique, médiatique et de la société civile s’élèvent en Suisse pour dénoncer les prises de positions de M. Cassis. Au sein de son département, quelque 250 employé·es et diplomates ont signé une lettre dénonçant le manque de fermeté du conseiller fédéral face à la politique israélienne à Gaza. De son côté, le Parti socialiste suisse a jugé, par la voix de son conseiller national et chef de groupe parlementaire Samuel Bendahan, que le «dossier d[evait] lui être retiré» et être «confié à la présidente de la Confédération».
La condamnation du conseiller fédéral Cassis pour ses mensonges réitérés et son refus de dénoncer les actions criminelles de l’Etat d’Israël est légitime. Mais cette dénonciation ne doit pas occulter la responsabilité du Conseil fédéral dans son ensemble. Voir, à titre d’exemple, le communiqué du 28 mai 2025 du Conseil fédéral qui, reprenant à son compte certaines affirmations de M. Cassis, énonce notamment qu’«une trêve durable est difficilement envisageable sans la libération complète et inconditionnelle de tous les otages détenus par le Hamas»… Aucune voix au sein du «collège des sept Sages» ne s’est élevée pour critiquer ou dénoncer les propos de leur collègue. Un génocide en direct ne mérite-t-il donc pas de briser la sacro-sainte collégialité?
Plus globalement, la critique de l’entreprise génocidaire de l’armée d’occupation israélienne est en train de s’intensifier au sein du champ politico-médiatique. Quoique tardive, cette prise de conscience est la bienvenue, et doit être exploitée pour élargir la mobilisation populaire en faveur des populations palestiniennes et de leurs intérêts. Une attention particulière doit toutefois lui être apportée. Car une partie des voix qui s’expriment aujourd’hui pour critiquer l’action de Tel Aviv cherchent avant tout à sauvegarder leur image politique. Et parfois, pire encore, l’image d’un Etat d’Israël très fortement détériorée sur le plan international. En limitant la condamnation à la nature du gouvernement du premier ministre Netanyahou et aux politiques qu’il mène. Vu sous cet angle, le gouvernement Netanyahou représenterait une rupture avec l’histoire israélienne et sa «vivante et dynamique démocratie». C’est oublier trop vite l’essence du projet colonial de peuplement sioniste qui caractérise l’Etat d’Israël, et l’inscription des gouvernements israéliens successifs dans la perpétuation d’un système d’apartheid institutionnel.
De même, la critique fait peu cas des conséquences sur nos propres sociétés du soutien à l’Etat israélien. En effet, quid de la dénonciation des mesures et campagnes répressives à l’encontre des militant·es étudiant·es, universitaires, individuel·les mobilisé·es en soutien à la cause palestinienne? Des attaques dirigées contre les droits démocratiques, la liberté d’expression, la liberté académique…? Car ce sont bien les initiatives et mobilisations populaires, continues et intenses, aux niveaux local et international qui, en dénonçant sans relâche la guerre génocidaire contre la bande de Gaza occupée, ont participé à l’expansion de la critique des agissements de l’Etat d’Israël.
Continuons à lutter à la fois contre Cassis, le Conseil fédéral et ceux et celles qui visent à mettre sur pied d’égalité un Etat oppresseur agissant dans une impunité criminelle totale et un peuple opprimé cherchant à réaliser sa libération et son émancipation. Car il n’y a pas d’équilibre possible – à part un équilibre de la terreur abrogeant la responsabilité des crimes de l’Etat israélien contre les Palestinien·nes.