J’ai été émue par cet article et les propos de Mme Marion Näder Brahier.
Je souhaiterais que Mme Marion Näder Brahier sache qu’elle n’est pas seule dans son combat.
Nous avons oublié que ceux qui sont au pouvoir n’apprécient guère les personnes qui les contestent et qu’ils s’empressent de chercher à les contrôler lorsqu’elles se font entendre.
Nous ne sommes malheureusement plus dans ces constellations de grand soulèvement de la société, qui, à la fin du siècle passé, était porté par les partis de la gauche et des franges intellectuelles importantes qui soutenaient ces partis. Ceux-ci ont été laminés par les réformes néolibérales, imposées par les idéologues anglo-saxons via des décisions de l’Union européenne ne laissant que très peu de marge d’action aux gouvernements, souvent de gauche, forcés de les appliquer.
Les luttes deviennent sectorielles, en ce qui concerne les objectifs visés, et fragmentaires en ce qui concerne les acteurs qui les soutiennent, le plus souvent composés des multiples ONG dites «de la société civile».
Il s’ensuit que les «rebelles» sont exposés à toute la violence de ceux que leur révolte dérange. Elle n’est pas nécessairement physique, encore que certaines manifestations contre des écologistes en France ont été réprimées avec une véritable sauvagerie, mais se manifeste souvent par des tracasseries, du harcèlement, des procès, des licenciements, de l’élimination sociale, qui épuisent psychologiquement les «rebelles».
Si les «rebelles» agissent de manière fragmentée, leur dissidence est, en revanche, le plus souvent générale. Ecologistes, pacifistes, syndicalistes, gauchistes, sont reliés par le fil invisible, ténu, mais néanmoins présent, de leur dissidence par rapport aux dirigeants actuels.
Aussi longtemps que l’expression de cette dissidence restera fragmentée et sectorielle, ceux qui l’exprimeront seront tentés de ressentir un sentiment de solitude et d’abandon. Certes, il n’y a pas de révolte qui n’entraîne avec elle de la souffrance. Nous oublions que très rares sont ceux qui restreignent de leur propre volonté le pouvoir dont ils disposent. Mais les révolutionnaires latino-américains qui, même torturés, refusaient de divulguer le nom de leurs compagnons, se sentaient reliés les uns et autres.
Ce sentiment de solitude et d’abandon, il faut tout d’abord le combattre, par la conscience que la révolte est soutenue tacitement par des millions d’individus.
Dans un deuxième temps, il faudra se demander comment unir cette dissidence générale, et lui donner une forme qui force les dirigeants à la prendre en considération. Personnellement, au regard de toutes les contestations qui entourent actuellement les élections, au regard du fait également que les dirigeants ne s’occupent plus tellement de ce que pense la population (en Suisse, nous disposons encore des droits populaires, mais leur exercice est lourd et coûteux), je me demande si celles-ci ont encore un sens, et s’il ne conviendrait pas de les boycotter.
A terme, on peut se demander aussi si une société aussi désagrégée, marquée par un aussi fort taux de désengagement, a encore un avenir politique viable. «Les pains et les jeux» des Romains, qui trouve son expression dans la société de loisirs et de consommation actuelle, ont certes ravi les citoyens, mais ont désintégré cet immense empire, qui s’est offert comme une pomme pourrie aux invasions dites des Barbares…
Peut-être que ces quelques considérations pourront réconforter Mme Marion Näder Brahier!
Denise Plattner, Berne