«Une grenade faisant exploser des mythes confortables sur le libéralisme et l’indépendance du système universitaire israélien.» C’est ainsi que Naomi Klein, la journaliste et essayiste canadienne mondialement reconnue, qualifie le livre consacré par la chercheuse israélienne Maya Wind1> Maya Wind, Towers of Ivory and Steel. How Israely universities deny Palestinian freedom. Verso Books, 2024. aux universités de son pays.
La conclusion de cette enquête est accablante: depuis leur naissance, les campus de l’Etat hébreu ont été mis au service de l’accaparement des territoires palestiniens. On ne parle pas ici de cas isolés, mais d’un système de production de connaissances mobilisé à tous les échelons – des facultés de droit à celles de technologie, en passant par l’archéologie et les sciences sociales – pour soutenir un projet colonial. Et, depuis le 7 octobre 2023, pour appuyer et couvrir un génocide à Gaza. Comme lorsqu’une étude, publiée par la prestigieuse Université hébraïque de Jérusalem, tentait de réfuter l’affamement de la population palestinienne.
Ce constat clarifie les enjeux du bras de fer qui oppose, depuis plus d’une année, des centaines d’étudiant·es et de chercheur·ses helvétiques à leurs directions. D’abord, il confirme la légitimité de la revendication d’un boycott académique d’Israël – mais aussi son efficacité, car les hautes écoles y sont totalement dépendantes des collaborations avec leurs homologues occidentales. Ensuite, il bat en brèche les refus et les atermoiements des états-majors universitaires, qui se justifient en invoquant une séparation – de fait inexistante – entre Etat et académies en Israël. Enfin, il confirme le scandale que représente la répression qui s’abat sur les mobilisations estudiantines.
«Nous détruisons tout ce qui reste à Gaza (…) Le monde ne nous arrête pas», affirmait ce lundi Bezalel Smotrich. Alors qu’une offensive aux allures de «solution finale» se déchaîne contre la population affamée et meurtrie de Gaza, le ministre suprémaciste d’extrême droite triomphe devant la passivité complice des principales puissances occidentales. En se refusant à rompre avec leurs homologues israéliennes, les hautes écoles helvétiques participent à cette connivence criminelle.
Il est encore temps pour elles de quitter leurs tours d’ivoire. Et de répondre enfin à l’exigence élémentaire qui continue à résonner dans leurs murs: face à un génocide, il n’y a pas de «neutralité académique» qui tienne.
Notes