L’édition Marx-Engels-Gasamtausgabe (MEGA)1> Grande édition Marx-Engels (GEME) pour une version en français est la plus importante collection des travaux de Karl Marx et de Friedrich Engels. La MEGA, première série, a été initiée par David Rjazanov, arrêté et exécuté sous Staline. La seconde série, commencée en 1975, contiendra, quand elle sera achevée, tous les écrits publiés par Marx et Engels, ainsi que de nombreux manuscrits et lettres non publiés, tous les textes étant publiés en langue originale, l’allemand pour la majorité d’entre eux.2> https://fr.wikipedia.org/wiki/Marx-Engels-Gesamtausgabe, 3> https://de.wikipedia.org/wiki/Marx-Engels-Gesamtausgabe et 4> https://mega.bbaw.de/de
Marcello Musto a écrit en 2009: «Quel Marx ressort-il de la nouvelle édition historique et critique? Un Marx très différent de celui qu’ont fait passer longtemps en contrebande de nombreux partisans et adversaires. Le processus tortueux de la diffusion des écrits et l’absence d’une édition complète, ainsi que le caractère inachevé de l’œuvre, le travail parfois scélérat des épigones, les lectures tendancieuses et les multiples non lectures, sont les causes principales d’un grand paradoxe: Karl Marx a été victime d’une incompréhension profonde et répétée, et ses théories ont été souvent méconnues. Le profil granitique de la statue qui, sur tant de places des régimes de l’Est de l’Europe, le représentait en train d’indiquer l’avenir avec une certitude dogmatique, est aujourd’hui remplacé par celui d’un auteur qui a laissé inachevés une grande partie de ses écrits, pour se consacrer jusqu’à sa mort à des études ultérieures qui viendraient confirmer la validité de ses propres thèses. De la redécouverte de son œuvre émerge la richesse d’une pensée, problématique et polymorphe, ainsi que le chemin qu’il reste à parcourir pour la recherche marxienne.».
Le philosophe japonais Kohei Saito. qui travaille sur les documents de la MEGA. a écoulé en 2020, en pleine pandémie, 500·000 exemplaires de «Hitoshinsei no Shihonron» («Le Capital dans l’Anthropocène»). Sa thèse est frappante: l’antidote aux maux du capitalisme ne serait autre que… le marxisme.
Son analyse s’articule autour de la gestion des biens communs par un socialisme participatif, sans rapport avec le communisme développé en URSS et en Chine. Au lieu d’assurer la croissance des moyens de productions, Marx dans la deuxième partie de sa vie défend la valeur d’usage des communs plutôt que la valeur (marchande). En 2020, Kohei Saito critique vertement le rôle de l’État. Quatre ans plus tard, il est plus nuancé en «[insistant] sur la complémentarité entre l’action internationale, nationale et locale».5> https://www.philonomist.com/fr/article/kohei-saito-marxiste-decroissant-et-pragmatique
Il conclut son ouvrage en 2020 avec une citation qui offre espoir et optimisme: «D’après les recherches d’Erica Chenoweth, professeure à l’université de Harvard, il suffit que 3,5 % d’une population s’engage dans un mouvement de revendication non violent avec conviction pour que cette société en question connaisse des changements.».6> Kohei Saito, Moins ! La décroissance est une philosophie, Seuil, 2024 p 321
Pas grand-chose à voir avec le MEGA de l’extrême droite européenne annoncé de manière tonitruante le 7 février à Madrid.
Dominique Hausser,
coprésident PS60+ suisse, Courtemautruy (JU)
Notes