Le 31 décembre 2024, Nicolas Nova, professeur ordinaire à la Haute Ecole d’art et design de Genève (HEAD), nous a quittés subitement à l’âge de 47 ans. Passionné par les voyages mêlant paysages, folklore et imaginaires, il puisait dans ces expériences la matière de ses recherches, explorant les liens entre nature, technologies et croyances. Nicolas Nova était un visionnaire, dont la curiosité et la générosité ont profondément marqué ses étudiant·exs, collègues et ami·exs. Sa disparition est une immense perte pour le design, les sciences humaines et les cultures numériques.
«Il avait cette capacité unique à voir du potentiel dans les interstices de l’ordinaire et à encourager les autres à penser et faire autrement»
Explorer les marges et sous-cultures
Nicolas Nova s’intéressait notamment aux rencontres improbables propres aux sous-cultures. Un de ses premiers livres, 8-Bit Reggae (2014), analysait la collision entre la culture des jeux vidéo et le reggae/dub. Pour lui, les technologies ne sont jamais homogènes: elles racontent des histoires riches et contradictoires, façonnées par les pratiques sociales et les détournements. Il aimait observer ce que les objets révèlent de nos sociétés, qu’il s’agisse de bugs, de réparations improvisées ou de rituels numériques.
Penser l’écologie des technologies
L’écologie, à savoir la science des milieux humains, naturels et machiniques, était au cœur de ses derniers travaux. Il explorait notamment les transformations des Alpes et des stations de ski, que ce soit dans le jeu de rôle issu du projet de recherche Chamonix-Sentinelles (HEAD, 2023) ou dans son essai Fragments d’une montagne (2023). Parallèlement, deux projets de recherche FNS menés à la HEAD s’intéressaient aux «déchets numériques», analysant comment les objets obsolètes sont réparés ou réutilisés hors des circuits industriels.
Des bestiaires aux folklores
L’étude de ces cultures hybrides a été poursuivie dans le Bestiaire de l’Anthropocène (2023), qui recense des objets hybrides comme les plastiglomérats, chiens-robots, arbres-antennes ou montagnes décapitées, illustrant la fusion entre technosphère et biosphère. Pensé pour être décliné en expositions ou posters, l’ouvrage reflète le souci de rendre la recherche accessible et opérante. Son dernier essai, Persistances du merveilleux (2024), explore les facettes cachées du numérique – trolls, daemons et autres «fantômes» des programmes –, poursuivant ainsi son inventaire des imaginaires technologiques.
«Dans un monde académique souvent compétitif, Nicolas Nova incarnait une pensée collective et généreuse»
Une pédagogie située
Nicolas Nova enseignait avec passion, encourageant ses étudiant·exs à observer, questionner et créer, que ce soit sous forme de séminaires, d’excursions alpines ou d’ateliers sur les rebuts électroniques. Ses cours en Master Media Design, tels que «Alpine Technosphere», «Tech Mining» ou «Making sense of algorithms», combinaient exploration poétique et analyse critique. Les clés de ses méthodes ont par ailleurs été documentées dans Enquête/création en design (2021), Exercices d’observation (2022) ou En quête d’images (2024).
Un éclaireur des futurs possibles
Nicolas Nova laisse derrière lui une œuvre riche, composée de dix-neuf livres et de nombreux articles. Il avait cette capacité unique à voir du potentiel dans les interstices de l’ordinaire et à encourager les autres à penser et faire autrement. Dans un monde académique souvent compétitif, il incarnait une pensée collective et généreuse. Par son travail, il a montré que le design est bien plus qu’une question de goût: c’est une manière située de comprendre le présent et d’imaginer des futurs alternatifs.