Il était une fois en Sarkozie
Presque tous les éléments d’un bon film politico-mafieux seront réunis au nouveau procès de Nicolas Sarkozy ces quatre prochains mois à Paris, valises de billets comprises. Si l’ancien président français et ses anciens collaborateurs sont accusés de pacte de corruption et d’association de malfaiteurs – parmi d’autres charges graves -, l’affaire compte à sa périphérie des crimes de sang, comme le meurtre présumé de l’ex-ministre du pétrole libyen à Vienne, et la tentative d’assassinat d’un intermédiaire en Afrique du Sud. Les anciens responsables politiques devront également s’expliquer sur leur collaboration avec un terroriste condamné par la justice pour l’attentat en 1989 de l’avion DC-10 d’UTA (170 morts). Tout cela sur fond de bradage de la souveraineté française à une dictature africaine impliquée dans le terrorisme international.
Après avoir révélé l’affaire et publié 163 articles sur le sujet, le site Mediapart ne s’est pas trompé en accompagnant le procès par un documentaire, sorti en salles mercredi. Son titre, Personne n’y comprend rien, fait un pied de nez à la formule de Nicolas Sarkozy estimant qu’une affaire aussi abracabrantesque ne pouvait être qu’inventée de toute pièce. L’intrigue est pourtant limpide: en vue de sa campagne présidentielle de 2007, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy accepte plusieurs dizaines de millions d’euros de Mouammar Kadhafi en échange d’une réhabilitation morale du président libyen et de possibles contrats futurs. Quoi qu’en dise l’accusé, les preuves sont tangibles et proviennent de nombreuses sources compilées dans une ordonnance de renvoi de près de 600 pages.
Si le doute n’est plus permis, une autre question est loin d’être réglée. Etait-ce pour faire taire Khadhafi et son clan, à la suite d’une fâcherie probable, et détruire les preuves matérielles libyennes du pacte de corruption, que Nicolas Sarkozy a convaincu les membres du Conseil de sécurité de l’ONU d’une intervention militaire en Libye en 2011?1>Lire Rony Brauman, Guerres humanitaires, mensonges et intox, Ed. Textuel, 2018.
Conspirationnisme ou réalité? On sait aujourd’hui que des fakes news diffusées par Paris sur la mise en danger des civils par le régime sont à l’origine de l’attaque de la coalition occidentale. On se demande aussi pour quelle raison Kadhafi a été assassiné plutôt que capturé et pourquoi la maison d’un responsable libyen clef dans les négociations avec l’ancien pouvoir français a été bombardée sans raison apparente. Des centres d’archives auraient aussi été pris pour cible. Le procès qui s’ouvre devrait susciter un regain d’intérêt pour ces interrogations légitimes.
Notes