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CEP: vigilance nécessaire face au monstre bancaire

La Commission d’enquête parlementaire a rendu son rapport sur la débâcle de Credit Suisse. Malgré ses constats sévères, elle reste conciliante.
CEP: vigilance nécessaire face au monstre bancaire
Les 565 pages du rapport de la commission agiront-elles sur les autorités comme un électrochoc? Rien n’est moins sûr. A l'image: les membres de la commission lors de la présentation de leur rapport, dont Roger Nordmann, conseiller national socialiste vaudois (à dr.). KEYSTONE
Exergue

Etrange climat autour du rapport très attendu de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) sur la débâcle de Credit Suisse. La commission présidée par la sénatrice Isabelle Chassot a rendu ses conclusions le 22 décembre, comme une tâche ingrate à boucler juste avant les fêtes.

De façon attendue, elle a pointé la mauvaise gestion de Credit Suisse qui a causé la crise. Elle a relevé aussi le manque de communication d’Ueli Maurer, alors en charge du Département des finances, vis-à-vis de ses collègues et de sa successeure, Karin Keller Sutter. Mais surtout, la CEP a mis en lumière un secteur bancaire tout-puissant et un régulateur qui n’arrive pas à s’imposer. La FINMA, autorité de surveillance, a aboyé dans le vide. Ses procédures et ses avertissements n’ont eu qu’un «effet limité», selon les mots de la CEP. Credit Suisse ne les a pas respectés.

C’est que le gendarme financier n’a pas la compétence d’infliger des amendes, contrairement aux autorités de surveillance d’autres pays. La FINMA n’a pas le droit de communiquer non plus sur ses procédures, qui restent donc dans l’ombre, à la satisfaction du secteur bancaire. Après la crise de Credit Suisse, l’autorité de surveillance est d’ailleurs sortie de sa réserve habituelle pour demander davantage de compétences. Elle réclame aussi que les top managers des banques puissent être tenu·es pour responsables des risques pris.

Reste que la FINMA a aussi participé au désastre en accordant à Credit Suisse de vastes allègements de fonds propres, dès 2017, qui ont permis de lui donner une fausse image de bonne santé financière. Pour la CEP, cette décision ne se justifie pas. C’est aussi là où se joue le pouvoir des établissements too big to fail. De l’aveu même de la présidente de la commission, des pressions politiques ont certainement joué un rôle.

«Face au mastodonte UBS, une prise en main citoyenne et politique de la problématique est essentielle»

La gauche a pour sa part fustigé des «banquiers de la Paradeplaz qui se comportent comme des conseillers fédéraux fantômes», selon les mots du coprésident du groupe socialiste Samuel Bendahan. Difficile de lui donner tort. Au parlement comme au Conseil fédéral, la droite n’a cessé de céder aux pressions de la place financière. Lors du développement de la réglementation too big to fail après la crise de 2008, «le Conseil fédéral et le parlement ont accordé une trop grande importance aux exigences des établissements bancaires d’importance systémiques», indique la CEP.

Les 565 pages du rapport de la commission agiront-elles sur les autorités comme un électrochoc? Rien n’est moins sûr. Malgré ses constats, celle-ci reste conciliante. Il faut dire qu’une majorité de ses membres sont aussi celles et ceux qui ont voté des lois favorables à la place financière. Et dans son bref communiqué en réaction à ses travaux, le Conseil fédéral met surtout en avant l’efficacité de sa décision du rachat de Credit Suisse par UBS qui «a permis de prévenir un crise financière et économique et de rassurer les marchés». Cette légèreté est inquiétante. C’est un monstre qui a jailli de la débâcle de Credit Suisse. UBS est devenue la seule banque d’importance systémique active au niveau international, qui a déjà dû être sauvée par l’Etat en 2008. Si cela devait se reproduire, la Confédération devrait certainement mettre 750 milliards sur la table, une prise de risque vertigineuse qui reposerait sur les épaules des contribuables.

Quant à UBS, elle n’a aucun intérêt à opter pour la prudence. Dans un exposé sur la capacité de résistance du système bancaire suisse en 2018, le vice-président de la Banque nationale suisse, Fritz Zurbrügg, livrait une analyse alarmante. «Le simple fait de supposer qu’une banque soit too big to fail peut devenir une prophétie autoréalisatrice. Car en partant de l’hypothèse qu’elle sera sauvée s’il le faut, la banque concernée sera davantage incitée à prendre des risques disproportionnés et à axer excessivement ses opérations commerciales sur une forte croissance fondée sur l’endettement», écrivait-il.

Face au mastodonte UBS, une prise en main citoyenne et politique de la problématique est essentielle. Les débats parlementaires sur les propositions de la CEP démarreront à la session de printemps. Une extrême vigilance sera nécessaire pour que la place financière n’impose pas, encore une fois, une réglementation complètement lacunaire.

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