Foot et guerre, biais coupables
Des hooligans qui brûlent un drapeau palestinien, scandent des slogans racistes appelant à «laisser Tsahal gagner pour finir les Arabes». Et qui, en ouverture de la rencontre de Ligue Europa entre le Maccabi Tel-Aviv et l’Ajax Amsterdam, jeudi soir, ne respectent pas la minute de silence en hommage aux victimes des inondations en Espagne, celle-ci ayant eu le tort de reconnaître l’Etat palestinien.
Confirmés vendredi par le chef de la police d’Amsterdam, ces faits auraient dû suffire à contextualiser les heurts survenus dans la capitale néerlandaise. D’une grande brutalité, ces événements appellent une condamnation, comme chaque fois que la violence s’invite dans le sport.
De là à les qualifier de «pogroms» et «d’explosion antisémite», comme l’ont fait le maire d’Amsterdam et les chancelleries occidentales ainsi que – égal à lui-même – le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou? Relayée par les agences et grands médias à l’unisson, l’accusation fait fi des provocations des hooligans du Maccabi, réputés pour leur ultraviolence. Les images témoignent d’une organisation militaire et d’une détermination à en découdre, ciblant toute expression de solidarité avec la Palestine.
Frapper un homme à terre, comme ce fut le cas à l’encontre de supporters israéliens, n’est en aucun cas justifiable. Mais nourrir l’amalgame entre extrémisme sioniste et judéité est aussi dangereux qu’irresponsable. Des voix juives, de plus en plus nombreuses, s’en alarment. Elles condamnent les crimes commis en leur nom au Proche-Orient et affirment qu’Israël, radicalisé par Netanyahou et ses ministres suprémacistes, «met les juifs en danger» – à l’instar du chercheur israélien spécialiste de l’Holocauste, Raz Segal, dans une tribune publiée par Time Magazine.1>«How Weaponizing Antisemitism Puts Jews at Risk» («Comment l’instrumentalisation de l’antisémitisme met les juifs en danger»), 14 mai 2024.
Les violences de jeudi dernier à Amsterdam s’inscrivent dans le contexte de l’annihilation de Gaza. L’ONU confirme ce qu’on savait déjà: près de 70% des mort·es sont des femmes et des enfants. En treize mois de bombardements israéliens, plus de 43’000 personnes ont perdu la vie, sans doute beaucoup plus en comptant les disparu·es et les décès qui surviendront de maladies, malnutrition et traumas. Sans parler du Liban, attaqué à son tour, et de la Cisjordanie où se poursuit la colonisation avec son cortège d’expropriations et de violences. Bilan effroyable, et constat d’échec qui devrait inciter gouvernements et rédactions à revoir de toute urgence leurs biais. En commençant par ne pas jeter de l’huile sur le feu en relayant sans nuance une propagande haineuse au service de la guerre.
Notes