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Cadeau aux riches, attaque des prestations

Présentée comme un moyen de redonner du pouvoir d’achat à la classe moyenne, la baisse d’impôts soumise aux urnes ce 24 novembre profitera essentiellement aux plus hauts revenus en privant de recettes le canton et les communes, explique l’ancien élu socialiste Emmanuel Deonna.
Genève 

La population genevoise votera le 24 novembre sur la baisse d’impôts la plus significative pour les personnes physiques depuis 1999. En réalité, seuls les plus hauts revenus bénéficieraient des plus fortes réductions, alors que les recettes du canton et des communes diminueraient. Le projet de loi prévoit une baisse de 8,7% en moyenne des impôts des contribuables. Ce chiffre change en fonction de leur situation (marié·es ou célibataires) et de leurs revenus.

Selon les calculs établis, les 579 contribuables marié·es ayant entre un et deux millions de francs de revenus recevraient un cadeau fiscal de 15 000 francs. Cela correspond à une perte fiscale de 8,9 millions. S’agissant des 335 personnes mariées déclarant des revenus de plus de deux millions, elles recevraient chacune un cadeau fiscal de 68 000 francs. Là encore, cela représente une perte fiscale de 22,7 millions pour la société. Les célibataires avec un revenu de plus de deux millions de francs bénéficieraient enfin d’un cadeau fiscal de 114 000 chacun·e; l’équivalent d’une perte fiscale de 8,7 millions par an.

Cette baisse d’impôts va priver le canton de moyens importants. Et ce, alors que des déficits sont prévus pour les années à venir dans le plan financier quadriennal, comme vient de l’annoncer le Conseil d’Etat. En dépit du fait que les revenus cantonaux continuent de progresser (+3% prévus pour 2025), les prévisions de rentrées fiscales des entreprises sont moins bonnes qu’auparavant avec 256 millions en moins dans les caisses de l’Etat, comme l’a indiqué la ministre des Finances, Nathalie Fontanet. 1>Le Courrier du 31 octobre 2024. La diminution serait liée principalement aux personnes morales, inquiètes des incertitudes internationales en 2025. Elle prend également en compte l’entrée en vigueur au 1er janvier 2025 de la loi sur l’évaluation de certains immeubles, qui va coûter 84 millions au canton.2>Postscriptum, journal du Parti socialiste genevois, novembre 2024, no 40.

Les communes trinquent. Loin d’aider en quoi ce soit la classe moyenne et les plus pauvres, la réforme sur laquelle nous voterons le 24 novembre sera aussi lourde de conséquences pour les communes. Celles-ci subiront un manque à gagner fiscal de plus de 100 millions de francs, dont la moitié en Ville de Genève, et près de 32 millions en tout pour les communes de Carouge, Chêne-Bourg, Grand-Saconnex, Lancy, Meyrin, Onex, Thônex, Vernier et Versoix.

Les baisses des rentrées fiscales, même minimes, peuvent mettre les communes en difficulté. Certaines d’entre elles pourraient même devoir augmenter leurs impôts, en augmentant le centime additionnel, pour contrebalancer leur perte de recettes. Ainsi, les communes populaires et suburbaines seront contraintes de restreindre leurs prestations pour la classe moyenne et les plus précaires ou d’augmenter les impôts.

Des solutions sociales. S’il s’agit d’augmenter réellement le pouvoir d’achat de la population, ce projet de réforme fiscale rate sa cible. Pour ce faire, il faudrait notamment défendre le salaire minimum, revaloriser les salaires de certaines professions (notamment les professions des soins et du care), contrôler les loyers, augmenter l’aide au logement, agir sur les frais de santé, étendre les subsides d’assurance-maladie et rendre gratuits ou moins onéreux les TPG pour les jeunes en formation et les personnes à la retraite. Sur ce dernier sujet, il faut souligner aussi l’enjeu, le 24 novembre, de la votation de la modification législative qui vise à augmenter les tarifs des TPG. Depuis plus d’une vingtaine d’années, le financement des trams et des bus est socialement juste puisqu’il passe à 70% par l’impôt.

La justice fiscale est un instrument majeur de la lutte contre les inégalités. Les baisses d’impôts ne favorisent que très rarement les personnes défavorisés et la classe moyenne. Le 24 novembre, votons «non» à une réforme injuste et inéquitable!

Notes[+]

* Ancien député au Grand Conseil, candidat au Conseil municipal Ville de Genève, PS.

Opinions Agora Emmanuel Deonna Genève 

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