Le dernier éteint la lumière en partant
Une première en trente-six ans. Le Washington Post, le journal qui avait révélé le scandale du Watergate et provoqué la chute de Richard Nixon en 1974, a décidé de ne rien décider. A savoir qu’il ne tranche pas entre Kamala Harris et Donald Trump!
Explication: le quotidien est propriété de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon. Or, ce géant du web a des intérêts à défendre. En 2019, sous la présidence Trump, un contrat d’hébergement de données de 10 milliards de dollars lui serait passé sous le nez au profit de Microsoft, pour cause d’inimitié du président orange.
Selon le syndicat maison de la publication, c’est bien le propriétaire du titre qui aurait bloqué la prise de position en faveur de Kamala Harris. On connaissait, en France, la force de frappe médiatique des canons et du béton (Dassault, Bouygues); en voit aujourd’hui que le centre de gravité a bougé en direction des technologies de l’information et de la communication. Ce n’est pas un hasard si Elon Musk fait des bonds de cabri derrière Donald Trump. Plus que le sort de Tesla, c’est son industrie spatiale qui est tributaire des commandes d’Etat. Quant à Mark Zuckerberg – à la tête de Meta, la maison-mère de Facebook – et consorts, ils se gardent bien de prendre position.
D’un point de vue démocratique, entre un Donald Trump aux penchants fascisants, impliqué dans une tentative de putsch et inculpé dans trois dossiers dont une agression sexuelle, et la vice-présidente sortante, Kamala Harris, le choix devrait être vite fait. Mais non. Ce qui pose une fois de plus la lancinante question de la propriété des moyens de production. Et du point de vue journalistique, le reniement du Washington Post donne une inquiétante coloration à sa devise: «La démocratie meurt dans les ténèbres.» Celle-ci prend de plus en plus une tonalité de prédiction.