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Les déplacé·es de Gaza

Carol Scheller-Doyle décrit le quotidien des Gazaouis.
Gaza

D’habitude, quand on change de maison, on dit qu’on déménage. C’est tout autre chose pour les gens de Gaza. Ils fuient les frappes de l’armée qui s’abattent sur leurs maisons depuis octobre ou, parfois, l’armée les «déplace». En tout cas, tôt ou tard, leur maison est détruite et ils deviennent des «déplacés». Il y a beaucoup de familles qui ont dû s’installer ailleurs – dans une tente improvisée ou dans la rue même – huit ou dix fois. Cela fait une fois par mois depuis bientôt une année dans un espace comparable à celui du canton de Genève.

Mais les attaques ont augmenté en cadence ces dernières semaines. Tous les jours, on cible des immeubles et des tentes où des familles déplacées vivent un peu partout dans la bande de Gaza. Il n’y a pas d’avertissement. Si les déplacés sont dans une maison, ils meurent sous les décombres lorsqu’ils ont de la chance. Sinon, ils restent coincés et meurent lentement puisqu’on ne dispose pas de moyens pour les sauver. Ou alors ils sont embarqués pour essayer de trouver une aide médicale totalement inadéquate pour les terribles blessures qu’ils ont subies.

Imaginez ce que font les clous ou les petits éclats de métal coupants à l’intérieur de certaines munitions de fragmentation quand elles explosent. Si les déplacés se trouvent dans une tente qui est souvent fabriquée avec du matériel inflammable, ils meurent ou survivent brûlés, ou bien se trouvent ensevelis sous des montagnes de sable, morts étouffés ou déchiquetés, leurs corps dans des morceaux impossibles à identifier ni à collecter complètement. Les survivants traumatisés, souvent blessés, deviennent à nouveau des déplacés qui ne savent pas où aller rechercher un peu de sécurité.

Les cibles préférées de l’armée ces derniers temps sont des écoles où de nombreuses personnes trouvent refuge, préférablement des écoles de l’UNRWA. Là, on peut tuer en plus grand nombre, comme en ce Jour international de la paix par exemple: plus de vingt tués, dont plusieurs orphelins, et une trentaine de blessés dans une école des Nations unies.

A Gaza, il n’y a plus aucun endroit sûr. Il reste parmi les survivants déplacés beaucoup de pères seuls qui pleurent leur femme et leurs enfants, et beaucoup de mères seules et endeuillées, ayant perdu mari et enfants. Il y a aussi les enfants seuls ayant survécu aux attaques qui ont tué leurs parents et toute leur fratrie. Pour eux, et pour tout le monde dans la bande de Gaza, les meilleures places semblent désormais réservées seulement au ciel. Là, où, enfin, ils ne seront plus des déplacés.

Carol Scheller-Doyle,
enseignante retraitée, Chêne-Bougeries (GE)

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