Réaffirmer l’adhésion aux droits humains
Quand on aime, on le montre par les actes. Dans sa récente prise de position11 www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-102244.html sur le verdict de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) concernant le climat, le Conseil fédéral a formellement déclaré son attachement à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Mais son refus de prendre au sérieux l’arrêt rendu par les juges à Strasbourg sur le recours porté par les Aînées pour la protection du climat est un désaveu de la Cour.
L’arrêt en question s’insère dans une jurisprudence novatrice en matière de climat22www.amnesty.org/en/documents/eur01/8441/2024/en/ . Celle-ci s’appuie sur le principe de «responsabilités communes mais différenciées et de capacités respectives». Ce principe a été formulé pour la première fois en 1992 dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, puis affiné dans l’Accord de Paris de 2015. Il reconnaît les disparités qui existent entre les différents pays dans leurs capacités à enrayer le changement climatique. Au lieu d’en prendre acte et de s’engager pour des mesures plus ambitieuses de protection du climat, la Suisse s’arc-boute sur la logique selon laquelle son action ne représenterait qu’une «goutte d’eau dans l’océan» – tout en brandissant les lois sur le CO2 et sur l’électricité comme garantes de sa prétendue conformité à l’arrêt européen.
Avec cette posture bornée, le Conseil fédéral affaiblit la lutte contre le changement climatique. Il alimente par la même occasion la mouvance révisionniste du Parlement qui s’en prend aux institutions européennes de protection des droits humains. En juin, les majorités des deux chambres fédérales ont soutenu une déclaration en réaction à l’arrêt de la CrEDH qui affirmait que la Suisse en fait assez pour protéger le climat. Plusieurs motions qui seront traitées lors de l’actuelle session parlementaire ont également la Convention européenne des droits de l’homme en ligne de mire, demandant tour à tour de la dénoncer, d’en sortir, ou de limiter la portée des arrêts de la Cour en renforçant le pouvoir d’interprétation des Etats.
Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ne sont pas des exotismes superflus qui entacheraient notre souveraineté. Au contraire: la souveraineté signifie aussi la capacité de l’Etat à protéger les droits fondamentaux de toutes les personnes vivant à l’intérieur de ses frontières. En adhérant pleinement à la CEDH, la Suisse montre clairement que les libertés et droits individuels sont garantis sur son territoire.
Notre pays a les moyens d’être exemplaire. Il a l’occasion de réaffirmer à l’Europe que les arrêts de la Cour sont contraignants et que les mesures de protection du climat et de promotion des droits humains ne peuvent être prises à la carte. D’ici au 9 octobre, le gouvernement doit présenter un plan d’action au Comité des ministres du Conseil de l’Europe avec les mesures prises – ou prévues – pour mettre en œuvre l’arrêt de la CrEDH. Ce plan devra notamment montrer comment la politique climatique de la Suisse permet de respecter la limite de 1,5 °C.
Nous attendons également du Parlement et du Conseil fédéral qu’ils réaffirment leur adhésion aux instruments européens de défense des droits humains et balayent d’un revers de la main les motions de défiance envers la CEDH lors de l’actuelle session parlementaire.
Notes
* Porte-parole d’Amnesty Suisse.