Édito

Asile, la tentation sécuritaire

Asile, la tentation sécuritaire
PHOTO PRÉTEXTE/KEYSTONE
Parlement fédéral

Une atteinte à des droits fondamentaux. Mercredi, le Conseil national a empoigné la Loi sur l’asile dans le but de mieux réglementer l’usage de la contrainte et du maintien de l’ordre dans les centres pour requérant·es à l’asile.

Ce qui était sans doute nécessaire, plusieurs cas de dérapages documentés avaient montré la nécessité de mieux définir le cadre légal. Enfermer un requérant dans un container – ce qui avait plongé en hypothermie un malheureux – avait montré l’urgence de mettre de l’ordre dans des pratiques indignes.

Mais, dans le domaine de l’asile, la tendance de fond est malheureusement à la mise en place de pratiques coercitives plutôt que d’empoigner le problème à sa racine. Au lieu d’essayer de comprendre les mécanismes pouvant mener certain·es réfugié·es à des comportement violents et d’y apporter une réponses de type psychosociale, c’est le discours de la répression qui prévaut.

Des requérants d’asiles qui sont souvent passés par l’antichambre de l’enfer pour parvenir en Suisse «pètent un plomb»; il n’y a qu’à armer le officines privées qui assurent la sécurité dans ces centres, prône l’Union démocratique du centre. Une proposition heureusement refusée hier. Mais le recours à des menottes et autres chaînes est désormais ancré dans le droit!

D’autres mesures problématiques ont passé la rampe. Comme celle autorisant la fouille préventive de mineur·es, sans limite d’âge, voire d’embastiller des jeunes âgés de 15 à 18 ans dans des salles dites «de rétention». Ou la possibilité d’expulser des enfants d’un centre pendant septante-deux heures. Une violation du droit supérieur, la Convention des droits de l’enfant, relève la députée verte Delphine Klopfenstein Broggini.

Une autre approche aurait été de réfléchir sur l’encadrement de ces requérants dans ces centres. Un des problèmes identifiés étant le fait que la sécurité est généralement sous-traitée à des privés aux conditions de travail peut alléchantes, là où il serait préférable d’avoir recours prioritairement à du personnel aguerri à même d’initier des procédures de désescalade lors des inévitables périodes de tensions qu’engendrent les parcours fracassés de ces migrant·es.

Comme le proposait d’ailleurs le rapport dit Oberholzer, un expert qui avait été mandaté par la Confédération après plusieurs dérapages. La réforme législative insiste sur la nécessaire formation des agents de sécurité, mais le propos reste tout de même très général.

La priorité est sans doute ailleurs: réaliser des économies, l’asile étant vu comme une charge, pas comme une mission. Le paquet poursuit maintenant son périple à la Chambre haute. Malheureusement, les positions semblent déjà bien figées, même le Parti socialiste s’est rallié in fine au projet, y voyant un mieux. On reste tout de même très loin du souhaitable.

Dernière mise à jour: vendredi 20/09/24 à 16h10

Opinions Édito Philippe Bach Parlement fédéral

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