Une prévoyance du siècle dernier
Dans un peu plus d’une semaine, les urnes diront si oui ou non le deuxième pilier sera réformé. Qui sera touché par LPP21 en cas de oui? La campagne de votation a mis en lumière l’illisibilité d’un système si complexe que même l’Office fédéral des assurances sociales admet qu’il ne peut répondre aux questions soulevées. Les 1300 caisses d’assurance privée ayant chacune leur modèle, il est impossible de connaître les conséquences de la réforme. C’est le prix à payer pour avoir laissé la gestion de nos retraites au secteur privé.
La campagne de votation a également révélé les lacunes d’un système pensé dans les années 1970 par des hommes, pour des hommes, incapable d’assurer correctement la majorité des femmes. Les mesures prévues par la réforme – l’abaissement du seuil d’entrée pour assurer les petits salaires ainsi qu’une adaptation de la déduction de coordination – n’y changeront fondamentalement rien. Les cotisations pèseront lourd dans le porte-monnaie, pour des rentes qui resteront faibles. Car l’essence même du deuxième pilier, qui exclut tout mécanisme de solidarité, ne permet pas d’assurer correctement des bas revenus, des temps partiels ou des interruptions de carrière, typiques d’un parcours professionnel féminin. L’inacceptable écart de rente entre femmes et hommes (30%) est largement dû aux mécanismes de la prévoyance professionnelle.
La campagne sur la réforme du deuxième pilier a mis aussi en lumière les lacunes d’un système fait par des assureurs, pour des assureurs, comme le montrent les travaux du journaliste Pietro Boschetti. Lors de la naissance de la LPP, ceux-ci ont imposé au parlement leur vision des retraites, empêchant l’AVS de devenir une véritable caisse de pension populaire. Plus de cinquante ans plus tard, ils continuent à exercer leur influence. La réforme sur laquelle le peuple se prononcera a été largement soufflée dans l’oreille des parlementaires de droite par les lobbies des banques et des assureurs, révèle le média alémanique Republik. Ceux-ci engrangent des milliards de bénéfices grâce au deuxième pilier.
Il est temps de revoir en profondeur un système qui arrive à bout de souffle, qui profite à une minorité et qui dépend de la croissance financière des marchés et d’investissements très souvent écocides. Le deuxième pilier appartient au siècle passé. Des alternatives doivent être mises sur la table, qui préservent les acquis de celles et ceux qui ont cotisé, tout en dessinant un système plus juste, qui ne plonge pas des retraité·es dans la pauvreté. Le «oui» à une treizième rente AVS a montré l’attachement des Suisses·ses à la solidarité pour la retraite. Le 22 septembre nous dira si une tendance de fond est en marche.