Édito

France, le medef à la barre

France, le medef à la barre
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France

« Tu as été un artisan déterminé et déterminant des politiques probusiness.» Lundi, Patrick Martin, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), principale association patronale du pays, a eu des mots doux pour Bruno Le Maire, ministre de l’Economie – démissionnaire – du gouvernement Macron.

Dans la foulée, l’entrepreneur a fustigé le programme du Nouveau Front populaire (NFP) et deux de ses mesures phares – la hausse du Smic à 1600 euros et la révocation de la réforme de retraites. Avant de compléter par une menace: la France «payera cash» tout changement de cap en matière de politique économique.

Quelques heures plus tard, Emmanuel Macron annonçait qu’il rejetait un gouvernement issu du NFP, pourtant arrivé en tête des élections le 7 juillet dernier. Pas question d’accepter un exécutif désireux d’appliquer le programme de cette alliance des gauches – qui, selon Gabriel Attal, premier ministre par intérim, risquerait de mener le pays vers un «effondrement économique».

Les propositions du NFP sont pourtant loin d’être révolutionnaires. Ses lignes directrices – «répondre à l’urgence sociale», «relever le défi climatique», «défendre le droit au logement», «réparer les services publics» et «apaiser» le climat social – relèvent même du bon sens dans une société meurtrie par quatre décennies de reculs sociaux, souvent imposés à coups de matraque et de flashball, comme la réforme des retraites en 2023.

Leur application représenterait cependant une rupture avec l’orthodoxie néolibérale – un tournant inacceptable pour le patronat français. Et c’est pour éviter cette rupture qu’Emmanuel Macron, épousant les intérêts des principaux capitalistes du pays, a décidé d’ignorer le résultat des élections législatives – alors qu’il était prêt à accepter une cohabitation avec l’extrême droite! «La réalité, c’est que les macronistes n’accepteront pas de compromis hors du cadre étroit défini par le Medef (…). L’économie est désormais exclue du champ démocratique», souligne justement Romaric Godin, journaliste à Mediapart.

Cette prééminence des intérêts des grandes firmes et des banques sur la volonté populaire est triplement dangereuse: d’abord, elle consacre l’émergence d’un «néolibéralisme autoritaire» bafouant les droits démocratiques; ensuite, elle entend maintenir un capitalisme débridé qui engendre des inégalités abyssales et détruit la planète. Enfin, en interdisant toute alternative progressiste, elle déroule un tapis rouge à l’extrême droite.

La capacité de la gauche, des syndicats et du mouvement social à résister au coup de force antidémocratique d’Emmanuel Macron revêtira donc une importance décisive. Avec comme premier test la manifestation nationale du 7 septembre.

Opinions Édito Guy Zurkinden France

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