«On va couler, on va couler!» C’est dans l’euphorie et sous un soleil de plomb qu’une foule de petites mains s’activait, samedi sur le coup des 14h, le long du quai du Seujet en amont du pont Sous-Terre. Objectif: mettre à l’eau tout type d’esquif, le plus artisanal et fantaisiste possible, pour la traditionnelle course de radeaux de la rentrée. Alternative et militante, dans l’esprit des squats qui lancèrent l’initiative à la fin des années 1990. Cette année, les couleurs palestiniennes ont flotté aux côtés des pavillons noir et arc-en-ciel. Une immense banderole en mémoire des victimes de violences policières en Suisse romande était déployée depuis le pont: «Rassismus tötet» (le racisme tue).

Pneumatiques, palettes, bidons, certain·es galèrent plus que d’autres. Débrouille et entraide sont la règle. «T’as une perceuse en rab?» «Un coup de main pour porter le radeau?» On s’asperge copieusement d’eau en chargeant sur les embarcations de quoi apéroter au point d’arrivée – le ponton verniolan des Séllières, juste avant Porteous. L’écluse du barrage du Seujet ayant été fermée pour l’occasion, la navigation s’annonce paisible. A condition de flotter!

Pas de naufrage majeur à signaler au moment de la mise à l’eau, mais quelques manœuvres délicates à coups de pagaies – vent d’ouest oblige – pour le navire amiral, un radeau géant juché sur pneumatique et doté d’un estaminet. Plus classe que n’importe quel yacht de milliardaire. Une autre embarcation trimballe son four à pizza, fonctionnel, en témoigne la fumée qui s’échappe du bidon couché à l’horizontale. Un «rat-d’eau» géant dresse ses moustaches au vent, monté sur une plaque et des bidons. Star de la flottille, un radeau flanqué d’un (faux) cheval, keffieh noué sur le naseau, monté par une cavalière.

Sous les vivats de la foule venue encourager l’improbable flottille bricolo, tout ce petit monde copieusement éclaboussé par les plongeurs du pont Sous-Terre s’élance au fil du Rhône, sous l’œil des sauveteurs du SIS. Rendez-vous l’an prochain!