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La votation sur AVS 21 doit être annulée!

Agostino Soldini revient sur les prévisions financières erronées concernant l’AVS et pointe leur impact sur le résultat de la votation AVS 21 de 2022 – qui a consacré de justesse la hausse de l’âge de la retraite des femmes. Selon le secrétaire central SSP, les citoyen·nes ont été lésé·es et l’annulation de la votation s’impose.
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Nombre de politicien·nes tentent de minimiser l’affaire. Pourtant, c’est un vrai scandale. Il s’agit de l’«erreur de calcul» dans les projections concernant l’AVS. Précisons, d’emblée, que le fait de ramener cela à une «erreur de calcul» est largement abusif. Comme le dit Pierre-Yves Maillard, le président de l’Union syndicale suisse (USS), «les prévisions sont stratégiques et politiques» (24 Heures, 16 août 2024). En dramatisant à l’extrême la situation comptable de l’AVS, le but était de faire passer AVS 21 et obliger ainsi ouvrières, infirmières et vendeuses à trimer une année de plus.

De quel montant parle-t-on? Le directeur de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), Stéphane Rossini, ancien vice-président du Parti socialiste suisse, continue d’essayer de brouiller les repères. Il évoque une surestimation des dépenses de l’AVS de 4 milliards. Or, le total cumulé est de 14,2 milliards! Les 4 milliards ne correspondent qu’à la surestimation pour une année, 2033 en l’occurrence. Il prétend également que les «tendances de fond restent les mêmes». Une autre entourloupe: 14,2 milliards de différence, ce n’est quand même pas une paille! Rappelons, à titre de comparaison, que le Conseil fédéral prévoyait des économies de 4,9 milliards, sur dix ans, grâce à AVS 21. Bon, c’est vrai que Stéphane Rossini n’en est pas à une affirmation aberrante près, lui qui pontifiait, quelques jours avant la votation sur AVS 21, qu’«on a pu démontrer que les projections de l’OFAS sont correctes» (Tribune de Genève, 13 septembre 2022). Il vaudrait peut-être mieux qu’il se taise. S’il dégageait, ce serait encore mieux.

Vous me direz: «leurs projections sont toujours fausses, noircir le tableau est le sport national». C’est vrai, mais, cette fois-ci, la ficelle est un peu grosse. Le Conseil fédéral a fait campagne, du début à la fin, avec le message suivant: «Sur les dix prochaines années, l’AVS aura besoin d’environ 18,5 milliards supplémentaires pour couvrir ses dépenses». Cela figurait, noir sur blanc, dans la brochure officielle de votation, envoyée à tou·te·s les électeur·trices. Le message a été répété comme un mantra par Alain Berset, qui a porté AVS 21. Nul besoin de longues recherches pour s’en convaincre. Il suffit d’écouter la première minute de son «allocution officielle», au nom du Conseil fédéral, diffusée sur les trois chaînes nationales (26 août 2022). Ou les deux premières minutes de son intervention lors de la conférence de presse de lancement de la campagne (27 juin 2022). A la lumière des surestimations des dépenses révélées ces jours, c’était du vrai foutage de gueule.

Les chiffres et «arguments» trompeurs d’Alain Berset et consorts, assénés comme des vérités révélées, ont été déterminants pour faire pencher la balance. Les analyses post-votation le confirment: une proportion significative de celles et ceux qui ont voté «oui» l’ont fait pour «préserver l’avenir financier de l’AVS». Or, il aurait suffi que 15 598 citoyen·nes supplémentaires, sur les près de 3 millions de votant·es, s’expriment pour le «non» pour qu’AVS 21 soit refusé!

Des recours en justice ont donc été déposés. La violation des droits des citoyen·nes est flagrante. La Constitution fédérale garantit en effet à son article 34 «la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de leur volonté». Comment prétendre qu’un tel article a été respecté alors que le Conseil fédéral a fait campagne avec des chiffres totalement faux, dignes des mensonges éhontés de Donald Trump, portant sur la raison d’être du projet soumis au vote, à savoir «la stabilisation financière de l’AVS pour les dix prochaines années»? C’est d’ailleurs au nom de l’article constitutionnel susmentionné que le Tribunal fédéral a annulé, en 2019, la votation sur l’initiative «Non à la pénalisation du mariage». L’«erreur» portait sur le nombre de couples mariés concernés. Nous sommes dans une configuration du même ordre: des chiffres et «arguments» trompeurs ayant joué un rôle décisif dans l’issue d’un scrutin serré.

Bref, l’annulation de la votation sur AVS 21 s’impose, l’âge de la retraite des femmes ne doit pas être augmenté!

Agostino Soldini est secrétaire central au Syndicat des services publics (SSP).

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