Édito

Une flamme détournée

Une flamme détournée
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune salue les athlètes médaillé·es aux Jeux Olympiques de Paris, dont Imane Khelif, lors d'une réception à Alger. KEYSTONE
Égalité

Paris vient de tourner sa première page olympique, avant d’ouvrir celle des Paralympiques, le 28 août. Derrière le feu d’artifice d’exploits sportifs époustouflants se profilent des réalités beaucoup moins glorieuses.

Le 9 août dernier, l’Algérienne Imane Khelif devenait médaille d’or de boxe de sa catégorie. Elle a aussi déposé plainte pour cyberharcèlement. L’enquête a été ouverte mardi. Depuis son huitième de finale contre l’Italienne Angela Carini, le 1er août, les réseaux sociaux déversent leur haine sur la sportive, accusée d’avoir triomphé en raison de son hyperandrogénie, soit le fait de produire davantage de testostérone que la moyenne des femmes. La pugiliste, née femme et socialisée comme telle, avait été éliminée pour ce motif des championnats du monde de 2023 par la Fédération internationale de boxe (IBA) avant d’être autorisée à concourir aux JO par le CIO (à noter que cette dernière instance ne reconnaît plus l’IBA pour cause de «mauvaise gouvernance»).

L’équité n’est pas un vain mot dans le sport: c’est ainsi que sont nées les catégories de compétition, basées par exemple – pour en rester à la boxe – sur le poids. Mais les femmes ont aussi été régulièrement sommées de prouver leur féminité en raison des transformations physiques qu’induit le sport de haut niveau. Des premiers contrôles mis en place en 1966 (vérifiant de visu que la sportive n’est pas dotée d’un pénis) aux dispositions actuelles du CIO, incluant certaines variantes chromosomiques, le monde du sport se confronte aux complexités du sexe biologique. Et peine à fixer des critères. A ce jour, il resterait impossible d’isoler l’impact de la testostérone endogène des autres caractéristiques physiques et physiologiques impliquées dans la pratique sportive de haut niveau. A plus forte raison de sérier cet impact selon les différents sports. Lorsque Caster Semenya, autre athlète hyperandrogène, remporte la finale du 800 mètres aux championnats du monde de 2009, son temps (1 min. 55 s. et 45/10e) n’aurait pas suffi à la qualifier pour le championnat de France masculin.

Le hallali orchestré contre Imane Khelif avant même le combat du 1er août, lui, ne s’est pas embarrassé de complexité. Déclenchée sur X par le fondateur de la Ligue du Nord, l’Italien Matteo Salvini, reprise par sa compatriote première ministre Giorgia Meloni, et alimentée par le propriétaire du réseau social Elon Musk, la curée cible le «virus woke», qu’il s’agit d’éradiquer comme vient de le rappeler le fondateur de Tesla. L’extrême droite européenne et américaine, toujours plus désinhibée, a une fois de plus délivré ses messages de haine, exploitant la formidable chambre d’écho qu’est l’olympisme pour appeler à la haine au nom d’un prétendu «combat civilisationnel». Il faut saluer le courage de la boxeuse algérienne, qui remonte sur le ring pour un combat, judiciaire cette fois, difficile à gagner.
Opinions Édito Dominique Hartmann Égalité Genre Olympisme

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