Agora

Des réponses durables contre la faim

Plus de 730 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, selon le dernier rapport de l’ONU publié fin juillet. Au Tchad, frappé cette année par la pire sécheresse depuis 40 ans, Caritas Suisse allie aide d’urgence et mesures à long terme.
Tchad

«L’environnement parle de lui-même. C’est complètement sec. Nous avons dû semer à trois reprises. Deux fois, cela n’a rien donné. La troisième, nos cultures ont poussé, mais les criquets ont tout ravagé», témoigne Meram Oumar Abakar, 31 ans. Cette mère de sept enfants vit dans le village de Seheb, province du Batha, au cœur du Tchad. Très exposé au changement climatique, le Batha a été frappé cette année par sa pire sécheresse depuis 1985 et les chaleurs ont largement dépassé les normales saisonnières. Par manque de pluie, les dernières récoltes ont été particulièrement mauvaises. Les familles sont donc très vulnérables, les enfants souffrent de malnutrition.

Cette sécheresse accentue la pression sur les ressources naturelles. Les éleveurs, qui doivent se déplacer pour nourrir leur bétail, se retrouvent en surnombre aux mêmes endroits car les pâturages se font de plus en plus rares. Le bétail meurt. «C’est une province déjà très pauvre touchée par une situation exceptionnelle», relève Abdoulaye Alkhalil, responsable du bureau de Caritas Suisse dans le Batha. Le taux de chômage des jeunes est élevé et les hommes doivent partir pour trouver du travail. Les femmes qui restent se retrouvent seules à prendre soin de leur famille. En outre, le conflit au Soudan voisin a freiné le flux des denrées alimentaires et les prix ont doublé. La malnutrition augmente, les besoins sont nombreux, mais les moyens limités.

La période de soudure de juin à septembre est la plus problématique car les ressources sont alors quasiment épuisées. C’est à ce moment que Caritas intervient avec des mesures d’aide humanitaire. Du cash est distribué aux familles les plus démunies pour qu’elles puissent au plus vite acheter de la nourriture et couvrir leurs dépenses urgentes. Les enfants malnutris dépendent également d’une aide immédiate, c’est pourquoi les femmes des villages ont appris à préparer une bouillie enrichie à base de produits locaux. Et les banques céréalières permettent aux ménages les plus vulnérables d’avoir accès aux céréales durant les périodes difficiles.

En même temps, Caritas veille à la durabilité dans sa réponse d’urgence. Les familles démunies reçoivent ainsi deux chèvres afin de pouvoir reconstituer leur cheptel et fournir du lait aux enfants. Les habitant·es des villages cultivent des potagers pour leur approvisionnement, et dont une partie des légumes est revendue. Des forages à l’énergie solaire assurent l’accès à l’eau potable. Contre un salaire, les habitant·es participent à des travaux qui favorisent la régénération des sols et la protection des arbres. Enfin, les boutiques d’intrants et les activités de microcrédit contribuent aussi à consolider la sécurité alimentaire et économique des ménages à long terme.

Les femmes sont très impliquées dans les projets. «Elles sont le principal pilier de la famille», relève Abdoulaye Alkhalil. Ainsi Meram Oumar Abakar et les autres villageoises ont reçu diverses formations, dont une pour la gestion d’un petit commerce. Meram vend des gombos séchés, des arachides et des épices. De quoi mettre de l’argent de côté et mieux nourrir sa famille. Elle est confiante: «Je vois un avenir meilleur, surtout pour mes enfants.»

On le voit, toutes ces mesures portent leurs fruits. Mais il est indispensable que l’aide se poursuive car, explique Abdoulaye Alkhalil, «la situation deviendra de plus en plus difficile ces prochaines années dans le Batha, car le facteur climatique va s’aggraver.» Dans son rapport1> openknowledge.fao.org/items/445c9d27-b396-4126-96c9-50b335364d01sur la faim dans le monde publié fin juillet, l’ONU souligne l’extrême déficit de financement international dans la lutte contre la faim; et appelle ses Etats membres à combler cet énorme fossé.

Ici en Suisse, le budget de la coopération internationale, qui finance la lutte contre la faim dans le monde, risque d’être réduit. C’est pourtant maintenant qu’il faut fournir un important effort pour atteindre d’ici 2030 les objectifs de développement durable de l’ONU auxquels la Suisse s’est engagée. Un effort indispensable pour permettre aux familles du Batha et des autres régions du monde d’assurer leur sécurité alimentaire.

Notes[+]

* Collaboratrice Caritas Suisse.

Opinions Agora Vérène Morisod Tchad

Connexion