International

La Grèce veut retrouver ses cerveaux

De nombreux jeunes ont quitté voici treize ans leur pays à cause de la crise financière.
La Grèce veut retrouver ses cerveaux 1
La période d’incertitude financière en Grèce est révolue, ce qui rassure les jeunes cerveaux expatriés vers 2010 et les incite au retour. KEYSTONE
Économie

Treize ans après le déclenchement de la crise financière, avec un succès modéré, Athènes cherche à reconquérir cette génération de jeunes diplômés poussés à l’exil. A l’époque du départ de Konstantinos Tsanis (39 ans) vers l’Angleterre, la moitié des jeunes de moins de 25 ans pointe au chômage en Grèce. «Il y avait beaucoup d’instabilité», se souvient-il aujourd’hui. Ces cerveaux grecs seraient près de 600 000, dont une majorité de haut diplômés, à avoir émigré de 2010 à 2021, selon le Ministère des finances.

Et de nombreux jeunes partent encore, bien qu’à «un rythme réduit», a noté l’institut ENA, un think tank se présentant comme indépendant, dans un rapport récemment publié. La Grèce, avec ses 11 millions d’habitants, a connu plusieurs vagues d’émigration, mais celle-ci est colossale en raison des cures d’austérité drastiques imposées par ses créanciers pour éviter la banqueroute. Le pays a perdu un quart de son PIB entre 2009 et 2018.

Du point de vue professionnel, Tsanis estime avoir fait le bon choix. Mais «je voulais bâtir ma vie» en Grèce, explique-t-il à l’AFP, à l’ombre d’une terrasse du centre-ville bouillonnant d’Athènes. Alors, il y a deux mois, il est rentré et a lancé sa start-up. Impensable il y a dix ans, selon lui. «Le pays est sur la pente ascendante», se félicite-t-il.

Chômage en baisse

Le taux de chômage, de 27% en 2013, est retombé en dessous de 11% en avril, ce qui reste toutefois presque le double de la moyenne de l’UE. Pour le gouvernement, le défi est de renverser cette «fuite des cerveaux». Question cruciale pour un pays à la natalité en berne, confronté à un manque de travailleurs qualifiés.

Environ 350 000 des Grecs partis sont déjà rentrés, s’est satisfait en mars le ministre des Finances. L’Etat leur offre, par exemple, une ristourne de 50% sur l’impôt sur le revenu durant les sept premières années après l’installation. Mais convaincre les expatriés n’est pas chose facile. De nombreux Grecs ont construit leur vie ailleurs, note l’économiste Panos Tsakloglou, qui a travaillé sur le sujet et est aujourd’hui ministre adjoint chargé de la Sécurité sociale.

«Convaincre les expatriés n’est pas chose facile. De nombreux Grecs ont construit leur vie ailleurs»
Panos Tsakloglou

Par ailleurs, le niveau de vie n’est «toujours pas à son niveau d’avant la crise», pointe-t-il. L’an dernier, le revenu annuel moyen était deux fois plus faible que celui de l’ensemble de la zone euro, selon Eurostat.

Repartir de zéro

Ceux qui font le choix du retour peuvent aussi ressentir un «décalage», raconte Konstantinos Tsanis. «Les gens ici souffrent encore des conséquences d’une décennie de crise», explique-t-il. Il se sait néanmoins plus chanceux que des expatriés aux métiers moins bien rémunérés, pour qui le retour n’est pas une option. Le salaire brut minimum est de 830 euros par mois, environ 900 euros de moins qu’en France, par exemple.

Eirini Kapogianni, orthodontiste revenue en 2019 après sept ans en Allemagne, affirme que choisir de regagner un pays marqué par la crise n’était «pas facile». «J’ai dû repartir de zéro», explique la trentenaire.

Pour adoucir l’atterrissage des autres expatriés, la jeune femme a lancé il y a cinq ans le réseau Back to Greece, désormais fort de 10 000 membres, qui s’échangent conseils et offres d’emploi. Elle considère que sa génération a «beaucoup à offrir» à la Grèce, mais prévient que le retour reste «un choix personnel».

Michael Magarakis, chirurgien cardiaque installé aux Etats-Unis, le sait bien. Rentrer au pays le tente, car c’est là qu’il se voit fonder sa famille. «Ce qui me retient, c’est l’aspect professionnel», résume-t-il à l’AFP. Il craint de ne pas retrouver les «énormes» opportunités financières qu’offre l’Amérique.

Dans le système de santé public grec, les soignants sont sous-payés et pas assez nombreux, conséquence des coupes claires dans le secteur. Pour rentrer, il se dit prêt à faire des «sacrifices». Car «à un moment, il faut savoir s’arrêter là et retourner vers sa famille».

International ATS/AFP Économie

Connexion