Édito

Utile mais insuffisant

Utile mais insuffisant
Plusieurs cantons ont l'intention de légiférer sur l'interdiction de symboles, d’emblèmes et de tout autre objet de haine, notamment nazi. KEYSTONE
Canton de Genève

Le vote est purement genevois; mais plusieurs cantons ont des projets identiques dans le pipeline. Le 9 juin, les habitant·es du bout de lac se prononceront sur une loi constitutionnelle proscrivant «l’exhibition ou le port de symboles, d’emblèmes et de tout autre objet de haine, notamment nazi» dans les espaces publics. La loi sera acceptée, toutes les formations, à part l’UDC – pourtant à l’origine du texte, comprenne qui pourra –, soutenant ce texte.

Pour formel qu’il soit, ce vote doit tout de même inciter à la réflexion et à la vigilance. Ce genre de lois pouvant facilement évoluer vers des pratiques liberticides. Pour l’heure, c’est clairement la paraphernalia nazie qui est visée. Au vu du niveau du débat politique sur ces questions de libertés d’expression – il n’y a qu’à se souvenir de la lecture biaisée qui est faite de certains slogans propalestiniens –, rien ne dit que la loi d’application sera respectueuse de la liberté d’expression. Et certain·es se verraient bien interdire les étoiles rouges ou le portrait du Che.

Ce risque était déjà perceptible avec la loi antiraciste adoptée en 1994. Il convient d’admettre qu’elle a été appliquée avec parcimonie et raison. Elle a permis de poursuivre quelques crapules négationnistes; elle n’a pas servi à censurer telle ou telle bande dessinée ou pochette de disque au goût peut-être discutable. Cela peut inciter à un certain optimisme: dans la Suisse libérale, la justice a tenu bon et permis d’éviter des excès liberticides.

Deuxième aspect qui mérite qu’on s’y arrête: il s’agit de ne pas trop attendre de cette loi. Peut-être qu’il ne sera plus possible de se balader vêtu d’un uniforme SS, comme il nous est arrivé de croiser un quidam au marché aux puces de Plainpalais. Et c’est tant mieux. Mais cela constitue-il un rempart efficace à la montée de l’extrême droite? On peut en douter. D’autant plus que la loi cible le nazisme, tant mieux, mais quid du fascisme italien qui parade dans les rues de Rome avec des mouvements de menton mussoliniens? Il pue pourtant tout autant de la gueule.

Le combat est bien politique. Les partis – surtout de droite – se paient une bonne conscience antiraciste. Il serait plus urgent que les cordons sanitaires avec la droite extrême soient reconstitués. A l’heure actuelle, on constate au contraire une porosité inquiétante entre ces mouvements extrémistes et les partis traditionnels. Le danger est bien davantage là que dans l’expulsion de l’espace public de cette imagerie dégoûtante qu’on ne pleurera pas. Cela protégera un peu le vivre-ensemble mais guère la démocratie.

Opinions Édito Philippe Bach Canton de Genève Lois 

Autour de l'article

Dossier Complet

Votations cantonales genevoises du 9 juin 2024

jeudi 9 mai 2024
La population genevoise votera sur l’interdiction des symboles de haine dans les espaces publics; l’initiative «Une vie ici, une voix ici… Renforçons notre démocratie!»; l’accueil préscolaire; et...

Connexion