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Le temps de la rédemption?

Yves Batardon se demande quand nous serons prêts à élaborer un nouveau projet de société.
Société

La période des fêtes pascales est la célébration du miracle de la résurrection. C’est l’opportunité de se questionner sur le devenir de notre société moderne. De mesurer si nous allons dans la bonne direction. Sommes-nous en train de construire des utopies ou un avenir apocalyptique?

Je me permets d’énumérer quelques actions révélatrices du chemin qui se trace actuellement en Suisse. Souvenons-nous. Il y a une dizaine d’années,  Swisscom avait investi en Allemagne. Résultat: 750 millions de pertes. Aujourd’hui Swisscom, avec pour actionnaire majoritaire la Confédération, investit 8 milliards sur le marché italien. Pour le bien de qui?

En 2008, le Conseil national s’était engagé à modifier la réglementation bancaire pour empêcher toute nouvelle débâcle et ainsi épargner à la Confédération le sauvetage de sociétés privées. L’année passée, le Crédit Suisse, qui valait 35 milliards, a été vendu avec l’appui de la Confédération pour 3 milliards à l’UBS. Cette pirouette a permis à 24 cadres d’UBS d’engranger 136 millions de bonus en actions en 2023.

Au 1er janvier a eu lieu la suppression des droits de douanes pour favoriser le libre marché. Parallèlement, une des dernières aciéries de Suisse n’est plus concurrentielle et va arrêter sa production. Nous importerons plus d’acier d’Inde produit avec du charbon. Les deux derniers producteurs de panneaux solaires suisses sont à la peine, la dernière usine de verre à St-Prex, qui représente 30% de production de bouteilles de verre, va fermer et délocaliser.

Les paysans ont manifesté en février pour des prix plus rémunérateurs. Ils ont obtenu l’abandon de 3,5% de surfaces de biodiversité. Ni la nature, ni le revenu des paysans ne vont s’améliorer avec cette décision.

Pendant ce temps, la Migros se transforme en SA et se cache derrière le secret d’affaires pour ne pas dévoiler les marges honteuses qu’elle s’octroie.

Aujourd’hui, la moyenne du bilan carbone par habitant en Suisse est de 15 tonnes de CO2. Alors que pour espérer un avenir meilleur nous devrions atteindre 3 tonnes en 2050. Nos dirigeants nous assurent que la solution miracle, c’est le marché carbone. Car nous sommes dans un modèle où tout est marchandise.

La nouvelle loi sur le CO2 est en discussion. Les fonds en gestion des banques suisses génèrent 14 fois le bilan carbone de la population suisse. Pourtant, le Conseil national a décidé de ne pas toucher au monde des multinationales et des banques, elles pourront remplir des rapports et continuer sans contrainte l’autorégulation de leurs affaires.

Par croyance, nous trions nos capsules Nespresso au lieu d’imaginer réguler le libre marché, taxer le kérosène ou les transactions financières. L’économie n’arrive pas à assumer ce qu’elle est (étymologie d’économie: «prendre soin de la maison»).

A chacun de nous de mesurer où nous allons. Aujourd’hui, les gestionnaires sont la tête de notre pays et des fleurons de l’économie. Ils nous promettent la prospérité. Jusqu’à la prochaine crise.

En son temps, Jésus avait chassé les marchands du temple. Quand serons-nous près à devenir visionnaires pour élaborer un récit où la collaboration et le partage donneraient naissance à un nouveau projet de société.

Yves Batardon, Soral (GE)

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