Si, à ce stade, on ne peut pas parler de génocide, puisque cela supposerait de la part du gouvernement israélien une opération planifiée et organisée en vue d’exterminer le peuple palestinien, de très nombreux faits montrent à l’évidence qu’il y a une volonté d’éliminer le plus grand nombre possible de civils palestiniens, une sorte de «nettoyage ethnique» en présentant ces morts comme de simples dommages collatéraux, inévitables dans une guerre asymétrique où l’ennemi se fond dans la population.

Cette façon de présenter l’effroyable carnage de civils est très contestable: bombarder massivement des immeubles d’habitation abritant de nombreuses familles sous prétexte que quelques membres du Hamas s’y trouvent est difficilement défendable en regard du droit de la guerre et du droit international humanitaire. Mais la majorité des juifs, israéliens ou citoyens d’autres pays, ainsi que beaucoup d’occidentaux, n’y trouvent rien à redire, comme si le traumatisme subi après le massacre du 7 octobre avait anesthésié en eux tout sentiment humain envers les palestiniens.

On assiste aujourd’hui à quelque chose qui n’a rien à voir avec la guerre contre le Hamas: une famine et un déni de soins médicaux organisés par Israël, qui bloque une grande partie de l’aide humanitaire. Les personnes les plus fragiles (les enfants en bas âge et les personnes âgées) sont les premières à mourir. Sur le plan médical, la situation est catastrophique et les blessés meurent, faute de médicaments, mais aussi parce que les hôpitaux ont été presque entièrement détruits. Les masques sont tombés: le gouvernement israélien ne peut plus dire qu’il s’agit de dommages collatéraux.

Ce qui est plus inquiétant, c’est que des colons et même des ministres souhaitent ouvertement exterminer tous les Palestiniens pour qu’Israël puisse vivre en paix: un ministre a dit il y a quelques mois que c’était une option de raser Gaza avec de petites bombes nucléaires! Dans n’importe quelle démocratie digne de ce nom, il aurait été démis de ses fonctions, alors qu’il a été simplement écarté des réunions interministérielles.

Tout se passe comme si les pays occidentaux, se sentant encore coupables que leurs dirigeants, il y a près d’un siècle, n’aient pas pu ou pas su empêcher la Shoah, cette effroyable tentative d’extermination du peuple juif, donnaient une autorisation implicite à Israël d’exterminer un peuple dont les dirigeants, le Hamas et sa branche armée, lui veulent du mal. Les pays qui laissent massacrer des civils en masse, et notamment des enfants (quinze mille enfants environ ont été tués par Israël), se retrouvent rarement du bon côté de l’Histoire. En soutenant inconditionnellement Benyamin Netanyahu, un homme politique corrompu (en attente de jugement), sans scrupules et plaçant sa survie politique au-dessus de tout, l’Occident est en train de perdre son âme.

Bernard Lambert,
Sciez, France