Édito

De la poudre aux yeux

De la poudre aux yeux
KEYSTONE
Population

L’initiative de l’UDC contre une Suisse à 10 millions d’habitant·es a été déposée ce mercredi. En limitant l’immigration, le parti compte régler tous les problèmes d’un coup de baguette magique: la pénurie de logements, l’augmentation des loyers, les embouteillages, les trains bondés, la baisse du niveau scolaire, la hausse des primes, la stagnation des revenus, l’endettement des services sociaux, la criminalité ou encore la préservation de la nature. Cette initiative qui se dit «pour la durabilité» (sic) surfe sur toutes les angoisses et désigne un bouc émissaire: les étranger·ères. Ou plutôt: les étranger·ères pauvres, dans la mesure où le texte demande en particulier des mesures en matière d’asile et de regroupement familial. Si cela ne suffisait pas, il s’agit aussi de mettre fin à la libre circulation des personnes.

Le procédé est bien rodé, la rhétorique mensongère et dangereuse. L’initiative est impossible à mettre en œuvre sans provoquer des dégâts économiques et sociaux considérables. Surtout, l’UDC s’oppose systématiquement à tout remède aux problèmes qu’elle dénonce dans son initiative. Augmentation des loyers? Elle n’a eu de cesse de participer à l’affaiblissement de la protection des locataires. Stagnation des revenus? Elle conteste le salaire minimum. Hausse des primes? On ne l’a pas entendue défendre l’initiative pour limiter les primes à 10% du revenu. Par ailleurs, il est étrange que l’UDC prétende freiner la hausse de la démographie, alors qu’elle soutient une politique économique agressive, visant à attirer des multinationales à coup d’avantages fiscaux indécents pour les entreprises et pour les expatrié•es qui viennent y travailler. Cette main-d’œuvre qualifiée utilise d’ailleurs des services en Suisse qui ne pourraient être fournis sans travailleurs et travailleuses moins qualifié·es, qui viennent aussi souvent d’autres pays.

Quelle société voulons-nous? La croissance infinie peut légitimement inquiéter, la démographie aussi. La riche Suisse ne le serait pas sans immigration. Les défis actuels, de main-d’œuvre, de financement des retraites, ne se résoudront pas sans nouvelles arrivées. Et la protection de l’asile est non négociable. Le texte de l’UDC affirme vouloir des mesures pour «protéger l’environnement et dans l’intérêt de la conservation durable des ressources naturelles». Pour cela, la solution passe par une justice climatique et sociale, laquelle ne s’arrête pas à nos frontières.

Opinions Édito Sophie Dupont Population

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