Dans le clair du torrent, là où l’eau est transparente, de grises pierres respirent.

Invisibles branchies palpitant dans le courant.

Elle en saisit deux, les lisse sous ses doigts, les plaque contre ses joues.

Dans l’herbe, les cailloux sont silencieux. Sont-ils ils, sont-elles elles?

Elle cligne des yeux, son ombre masculine se campe fière, l’ombre féminine sinue avec grâce. La lumière s’épand sur la roche. Entre ses côtes, chevreuils et biches s’ébrouent.

La princesse se fait cerf

Dans le clair du lit défait, il caresse ses longs cheveux et elle chuchote des mots d’amour, princesse d’un royaume de draps. La lumière tiède arrondit et déplace les contours, la princesse se fait cerf, l’animal tape et cogne, il prend son territoire. Il conquiert, puissant seigneur.

Plus tard, dans la cuisine, elle coupera la cive, émiettera la mie de pain sombre, frictionnera ses doigts sous l’eau chaude. Il s’approchera, posera sa main sur son épaule avant de préparer le thé noir brûlant.

Plus tard, elle se figera, mélèze chenu visité par les mésanges. Sera-t-elle enfin investie du pouvoir du guerrier placide? Plus tard encore, elle sera jeune intrigante et dame de haut rang. Elle le regarde, lui, des crinolines de taffetas enserrent la taille de l’homme. Il est invincible, ainsi paré de sa féminine sensibilité.

Plus tard, elle observera courir sur leurs membres la mousse verte des sous-bois, assemblée de mille velours. Qui dissimule, brouille leurs genres.

Le monde entier se recroqueville dans ce tableau aux couleurs vives.

Le féminin et le masculin cousus ensemble.