«La fin de l’UNRWA serait catastrophique pour Gaza»
Alors que s’écoule le cinquième mois de l’offensive militaire israélienne contre la bande de Gaza, des questions émergent quant aux preuves ayant incité plusieurs pays1>Une douzaine de pays, dont d’importants donateurs comme les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède ont suspendu leur financement à l’UNRWA. La Suisse a mis en attente le versement de l’aide (20 millions de francs) pour l’année en cours, une décision du Conseil fédéral étant attendue au printemps. Sans financement, l’agence devrait cesser ses activités en avril, selon son patron Philippe Lazzarini, ndlr. à suspendre leur financement de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UN Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East, UNRWA), la principale agence d’aide aux réfugié·es palestiniens. Israël a présenté à l’ONU des informations selon lesquelles au moins douze membres du personnel de l’UNRWA auraient participé aux attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023, qui ont tué des centaines de civils.
L’accent mis sur ces allégations a éclipsé l’impact des coupes budgétaires sur la situation humanitaire des 2,3 millions d’habitant·es de Gaza. Dans un contexte d’affirmations parfois contradictoires, une chose est sûre: il est essentiel pour la population de Gaza que l’UNRWA fonctionne à pleine capacité. Les gouvernements devraient immédiatement rétablir le financement de l’UNRWA et clarifier les informations sur la base desquelles ils ont justifié la suspension de leur financement.
Après qu’Israël a informé le dirigeant de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, des allégations, l’ONU a non seulement promis une enquête, mais a licencié la plupart des employés accusés. Pourtant, malgré ces preuves évidentes que la question était prise au sérieux, les Etats-Unis et d’autres importants donateurs ont annoncé à la hâte qu’ils gèleraient tous les paiements à l’agence, qui emploie 30’000 personnes dans la région et fournit de la nourriture, de l’eau, des abris et d’autres services vitaux à des centaines de milliers de Gazaoui·es.
On ne sait toujours pas quelles informations les autorités israéliennes ont partagées avec Philippe Lazzarini. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a ouvert une enquête menée par le Bureau des services de contrôle interne de l’ONU, affirmant que tout employé de l’ONU «impliqué dans des actes de terrorisme sera tenu pour responsable, notamment par le biais de poursuites pénales».
L’ONU a également lancé une étude approfondie au sujet de l’UNRWA, dirigée par l’ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna et menée en partie par trois organismes de recherche scandinaves, pour s’assurer que l’UNRWA «fasse tout ce qui est en son pouvoir pour garantir sa neutralité, et réponde aux allégations de violations graves lorsqu’elles surgissent».
L’UNRWA a déjà payé le prix fort pour sa présence à Gaza. Selon le décompte de l’agence au 8 février, au moins 154 membres de son personnel ont été tués lors des combats à Gaza. L’UNRWA a également indiqué que ses installations ont été touchées au moins 290 fois lors des hostilités qui ont coûté la vie à plus de 28’000 Palestinien·nes, selon le Ministère de la santé de Gaza.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a clairement indiqué que les objections d’Israël à l’UNRWA vont au-delà des allégations de coopération avec le Hamas. Il a suggéré que l’UNRWA est en partie responsable de la décision rendue contre Israël par la Cour internationale de Justice (CIJ). Les autorités israéliennes mènent depuis longtemps une campagne contre l’UNRWA et appellent à sa fermeture. L’UNRWA s’est défendue contre toute une série d’allégations israéliennes dans le passé. L’agence a cité plusieurs cas dans lesquels les médias israéliens ont rapporté, puis rétracté de fausses allégations la concernant.
Notes
Louis Charbonneau est directeur de plaidoyer auprès des Nations Unies à Human Rights Watch, www.hrw.org/fr