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«Une amélioration nécessaire de notre protection sociale»

Emmanuel Deonna plaide en faveur de la 13e rente AVS et défait les arguments avancés par la droite.
Votations fédérales

L’initiative pour une 13e rente AVS émanant des syndicats, des associations de retraité·es et des associations de femmes a de bonnes chances d’aboutir devant le peuple. Car pour faire face à la hausse des primes d’assurance-maladie, à l’augmentation des prix de l’alimentation, des loyers et de l’électricité, une treizième rente est indispensable.

«Lorsqu’on a travaillé toute sa vie, on ne devrait pas avoir peur de manquer d’argent à la fin du mois arrivé à l’âge de la retraite». Ainsi s’exprime l’ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss, sortie de sa réserve dans un message personnel en date du 12 février appelant à la mobilisation. En raison du déclin des rentes du deuxième pilier et de l’augmentation du coût de la vie, l’AVS et les caisses de pension ne parviennent pas à «maintenir de manière appropriée le niveau de vie antérieur» des retraité·es. Cette promesse majeure de notre Constitution fédérale n’a à ce jour pas été tenue. Les femmes ont particulièrement besoin d’un premier pilier digne de ce nom parce qu’elles ne reçoivent souvent qu’une petite rente LPP, voire aucune. En outre, l’AVS est la seule rente qui tienne compte dans son calcul des soins aux autres non rémunérés, principalement délivrés par les femmes.

Depuis plus de 75 ans, la droite bourgeoise n’a de cesse de répéter que l’AVS est trop coûteuse et que sa stabilité est menacée. Cette fois-ci, la droite est divisée. Mais les opposant·es dépensent des millions pour le rejet de cette initiative, en tous cas le double du budget de la gauche. En effet, en agissant ainsi, la droite cherche à protéger les business lucratifs que sont le deuxième pilier et l’assurance-vie qui complètent l’AVS au sein du système des retraites. Elle sait d’ailleurs qu’un scrutin également décisif sera consacré à la réforme du deuxième pilier (LPP) dans quelques mois.

La gauche se bat quant à elle – à juste titre – pour préserver et améliorer la protection sociale, dont la treizième rente AVS est un élément crucial. Notre système est en effet malmené. Un exemple frappant: depuis le 1er janvier 2024, plusieurs milliers de bénéficiaires de prestations complémentaires touchent déjà beaucoup moins ou plus tout d’aide financière de l’Etat.

Contrairement à ce que prétendent les opposant·es à la 13e rente, l’AVS se porte bien financièrement: 50 milliards de réserves en 2023, qui atteindront 67 milliards d’ici à 2030, et ce, même en cas d’introduction de la 13e rente. L’accroissement de la masse salariale et l’activité des femmes, actuellement plus importante sur le marché du travail, compensent les problèmes liés à l’augmentation du nombre de retraité·es et à l’allongement de l’espérance de vie. Une augmentation des cotisations de 0,8%, réparties entre les employeurs et les travailleur·euses, couvrirait le financement de la 13e rente. D’autres solutions existent. La part de la Confédération dans le budget de l’AVS pourrait être augmentée. On y a déjà eu recours, à hauteur de dizaines, voire centaines de milliards, pour renflouer le budget de l’armée ou sauver nos banques commerciales en déroute!

Le président de l’Union syndicale suisse Pierre-Yves Maillard use de ses dons indéniables de pédagogie pour convaincre sur les réseaux sociaux: «En 1947, les jeunes ont voté à 80% pour l’AVS. Les radicaux à l’époque étaient pour l’AVS. Ils étaient prêts «à prendre des risques» pour des aîné·es qui n’avaient jamais cotisé. Ils étaient conscients de faire un investissement précieux pour l’avenir». Le premier pilier repose sur le principe de la solidarité intergénérationnelle. C’est aussi un mécanisme de redistribution entre riches et pauvres. Rappelons que les personnes à haut salaire paient plus qu’elles ne toucheront de rentes car celles-ci, contrairement aux cotisations, sont plafonnées.

Quant à l’initiative «pour une prévoyance vieillesse sûre et pérenne», aussi soumise au vote le 3 mars, elle exige le relèvement de l’âge de la retraite des hommes et des femmes à 66 ans. Cet âge devra ensuite continuer à augmenter en fonction de l’espérance de vie. Ce projet est dangereux car, en introduisant une automaticité arithmétique, il prive le parlement et la population de leur pouvoir décisionnaire. Il fait fi aussi de la pénibilité au travail et du chômage des seniors. C’est pourquoi cette initiative doit être rejetée.

Emmanuel Deonna est ancien député PS/GE et ancien conseiller municipal Ville de Genève.

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