Avoir le courage
En 2020, souvenons-nous, Greta Thunberg avait eu le courage d’apostropher le président étasunien Donald Trump à Davos au sujet de son positionnement sur la crise climatique, en lui lançant un cinglant: «Comment oses-tu?»
Aujourd’hui, sur un tout autre sujet, la volonté de décapitation sans fard de l’UNWRA dans la bande de Gaza, nous pouvons nous renvoyer la question. «Comment osons-nous?» Oui, comment osons-nous tolérer l’intolérable en acceptant la mort financière du seul organisme d’aide humanitaire aux palestinien·nes gazaoui·es et cisjordanien·nes? Comment osons-nous accepter unilatéralement les allégations israéliennes sur les responsabilités de cette organisation onusienne dans le rôle que certains de ses membres auraient joué dans l’attaque des colonies du 7 octobre?
Comment une unité d’aide, de soins et de secours hors normes, effectuant un travail colossal au secours d’une population dans des conditions extrêmes, peut-elle être remise en question par son seul adversaire qui n’a eu de cesse, depuis le lancement de sa contre-offensive, d’effectuer le pire massacre de population civile dans une guerre contemporaine?
Alors que la bande de Gaza est pratiquement rasée du nord au sud et que Tsahal s’apprête à inonder de millions de mètres cubes d’eau de mer les galeries souterraines inaccessibles du Hamas, fragilisant encore plus la stabilité des sols pour une reconstruction, comment osons-nous encore fermer les yeux, nous taire, nous désintéresser d’un peuple, d’une civilisation que l’Etat hébreux n’a de cesse de vouloir éliminer depuis la Nakba il y a septante-cinq ans?
Comment pouvons-nous encore être complices, par la suspension des subventions à l’UNWRA, de la perpétuation d’un génocide en cours dans un territoire palestinien indépendant? Comment pouvons-nous ratifier la multiplication des déclarations univoques du gouvernement hébreux, et de ses alliés directs et indirects, alors qu’Israël est mis en accusation pour génocide devant la Cour internationale de justice par l’Afrique du Sud? Comment osons-nous encore nous regarder chaque matin dans la glace alors que chaque jour, chaque heure qui passent, amplifient l’assassinat de milliers de civils, d’enfants, de femmes, d’hommes jeunes et âgés innocents?
Comment osons-nous encore valider l’ignoble comportement d’une Alliance atlantique indigne de son nom et devenue une alliance criminelle, Etats-Unis, Canada, Japon, Australie, Nouvelle Zélande, Italie, Pays-Bas, Allemagne en tête? Qu’est-ce qui justifie notre soumission inconditionnelle à cette alliance destructrice et éradicatrice soutenant un pays qui fait fi du droit et des lois internationales depuis des décennies?
Qu’est-ce qui valide que nous revenions sans cesse sur l’ignoble massacre du 7 octobre et que nous oubliions les 30’000 morts civiles innocentes en quatre mois de bombardements incessants? Qu’est-ce qui fait que nous tolérions l’intolérable alors que l’armée israélienne n’a même pas peur d’ironiser en nommant «Evangile» son programme militaire d’intelligence artificielle de destruction et d’élimination massive, dont plus d’une cinquantaine de journalistes directement visés?
Mais de quelles lâchetés devons-nous nous défaire pour enfin voir que ces alliés auxquels nous appartenons sont des Dr Jekyll dont l’ambition est le pouvoir sans contrepartie, et par la violence, sur le monde? Comment osons-nous encore pérorer en prenant des pincettes dans les derniers salons et les dernières assemblées où l’on cause alors que la planète brûle de toute part, et que l’on nous conduit docilement à l’abattoir des certitudes sans que nous nous en rendions compte?
Léon Meynet,
Chêne-Bougeries