Édito

Gaza: un arrêt qui pèsera

Gaza: un arrêt qui pèsera
Emotion à l'annonce de l'arrêt de la CIJ. Des rassemblements de soutien à la population palestinienne s'était tenus tant à La Haye qu'en Afrique du Sud. KEYSTONE
Proche-Orient

Un tournant décisif? En tout cas, un verdict historique. La Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, a ordonné vendredi à Israël de prévenir et punir l’incitation au génocide. L’Etat hébreu se voit aussi sommé «de mettre en œuvre des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire dont les Palestiniens ont un besoin urgent pour faire face aux conditions de vie défavorables auxquelles ils sont confrontés», comme le formule la CIJ.

Au vu de la gravité de la situation, avec 26’000 Palestinien·es tué·es et 65’000 blessé·es par les bombardements israéliens indiscriminés, sans compter les disparu·es et la destruction massive d’infrastructures civiles, il est regrettable qu’un cessez-le-feu n’ait pas été décrété.

La saisine de l’instance de droit par l’Afrique du Sud porte sur la suspicion de génocide. L’arrêt de vendredi se cantonne pour l’heure à des ordonnances d’urgence – à commencer par la qualité pour agir de l’Afrique du Sud – et il ouvre désormais la porte à un examen sur le fond. Ce qui peut prendre plusieurs années.

La Cour a tout de même qualifié de «plausiblement génocidaires» les bombardements de la bande de Gaza, a relevé l’Afrique du Sud. De même, l’arrêt disqualifie certains propos des dirigeants israéliens, par exemple l’«animalisation» des Palestinien·nes par le ministre des armées au lendemain de l’attaque sanglante du Hamas.

Une série de mesures conservatoires sont exigées. Notamment l’obligation de permettre l’accès à l’aide humanitaire, alors que Gaza a été transformé en mouroir. Israël se conformera-t-il à cette décision? Celle-ci est juridiquement contraignante, mais la CIJ ne dispose d’aucun moyen pour la faire appliquer. De fait, la Russie a précédemment été sommée de cesser son invasion de l’Ukraine et le mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie a été déclaré illégal par la CIJ en 2004. Force est de constater que cela n’a pas été suivi d’effet.

Il n’empêche que, politiquement, cet arrêt est une pierre dans le jardin d’Israël, de son plus fervent supporter, les Etats-Unis et de la Suisse qui a continué à soutenir Israël au plus fort des massacres. Certains éléments de langage soigneusement distillés – on peut parler de propagande – vont se heurter à cette réalité juridique. Les rapports de force, l’opinion publique et la position des chancelleries évoluent.

Le problème étant que le rythme de cette déconstruction est trop lent par rapport au massacre qui touche le peuple palestinien. Le temps n’est pas seulement de l’argent, c’est aussi des vies. Par milliers. Et la CIJ, en mettant l’accent sur «l’irréparable» en train d’être commis, place la communauté internationale toute entière devant ses responsabilités

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