Édito

Inexorable tentation de l’espionnage de masse

Inexorable tentation de l’espionnage de masse
L'actuelle Loi sur le renseignement a été acceptée par le peuple en 2016. KEYSTONE
Loi sur le renseignement

La Confédération nous surveille toutes et tous. Une enquête extrêmement fouillée du média alémanique Republik1>L’enquête a été traduite et publiée dans l’édition
de mercredi du Temps.
met en évidence des pratiques pour le moins intrusives en termes de respect de la sphère privée de la part du Service de renseignement de la Confédération (SRC).

Gênant, d’autant plus que certaines affirmations de l’autorité fédérale sont battues en brèche. En 2016, lorsque la loi sur le renseignement (LRens) a été mise en votation à la suite d’un référendum lancé par les milieux soucieux des droits fondamentaux, l’extension des outils mis à la disposition des services secrets suisses était prétendument soumise à des cautèles. Cet aspect est d’autant plus crucial qu’à l’époque, les Suissesses et les Suisses avaient voté la tête dans un sac. Le corpus législatif sur lequel le Souverain était prié de trancher était incompréhensible et occupait près de soixante pages dans la brochure officielle!

En l’occurrence, ces outils devaient servir à traquer les cellules terroristes à l’étranger susceptibles de frapper en Suisse. Techniquement, un tel ciblage est impossible. C’est bien l’ensemble des échanges, via les téléphones cellulaires et les réseaux sociaux, qui est soigneusement tamisé par les grandes oreilles de Berne. Ceci en utilisant des mots clés. Ces données sont ensuite stockées dans des serveurs pour une durée pouvant aller jusqu’à dix-huit mois et même cinq ans pour les données de connexion.

En clair, c’est une pêche au chalut, nullement ciblée, qui est pratiquée par le SRC. Il est dans la nature des barbouzes d’être curieux au-delà du raisonnable. Toute une série de droits fondamentaux sont menacés par ces pratiques. Notamment le secret des sources pour les journalistes et le secret professionnel pour les avocat·es.

Le SRC dément tout acte illégal. Le problème étant que depuis l’entrée en vigueur de la LRens, il a été pris en défaut sur ces questions de droits fondamentaux à plusieurs reprises. Notamment en fichant certain·es député·es d’origine kurde ou lorsque l’ONG Public Eye avait découvert en 2022 qu’elle faisait l’objet de 400 entrées dans le système de fichage du SRC!

Ces dérapages constants doivent être gardés à l’esprit à l’heure où la LRens doit une nouvelle fois être étendue. Toujours pour prétendument lutter contre l’extrémisme violent…

L’affaire des fiches de la fin des années quatre-vingt – 900 000 Suisse·sses encarté·es – doit nous inciter à la vigilance en la matière. Les droits fondamentaux sont comme les libertés: ils ne se divisent pas. Une première entaille portée à ce corpus est ensuite suivie par de nouvelles attaques. A l’arrivée, c’est bien la démocratie et les citoyen·nes qui sont les victimes de ces dérives liberticides.

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