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Syndicats dissous à Hong Kong

L’activiste hongkongais Christopher Mung était récemment en Suisse pour porter la voix des mouvements syndicaux indépendants. Il s’exprime sur la situation dans son pays. Entretien.
Syndicats dissous à Hong Kong 1
Depuis le Royaume-Uni, Christopher Mung et ses collègues ont fondé une nouvelle organisation, le Hong Kong Labour Rights Monitor, pour continuer à soutenir le mouvement syndical à Hong Kong. DR
Chine

Fin novembre, l’Union syndicale suisse (USS) a accueilli des syndicalistes de Hong Kong, actuellement en exil au Royaume-Uni après avoir dû fuir leur pays en raison de la répression exercée par le régime chinois. Des mandats d’arrêt internationaux ont été émis contre eux pour «mise en danger de l’Etat» et «soupçon de formation d’une organisation criminelle», avec des mises à prix dépassant les 100’000 francs.

Syndicats dissous à Hong Kong

Une rencontre a également eu lieu avec le SECO, qui a présenté aux activistes le dialogue tripartite sur le travail avec le Ministère chinois du travail et de la sécurité sociale, dont l’objectif est de confronter la Chine à des questions critiques dans le domaine du droit fondamental du travail et d’y associer institutionnellement les syndicats ainsi que les employeurs. A cette occasion, le SECO a clairement condamné les détentions arbitraires et le travail forcé au Xinjiang et dans d’autres régions chinoises, tout comme la répression des femmes syndicalistes à Hong Kong.

Si la plupart des syndicalistes présents doivent rester anonymes, l’un d’eux, Christopher Mung, ancien secrétaire général de la Confédération des syndicats de Hong Kong – interdite depuis 2021 – a bien voulu répondre à nos questions à Genève. Depuis le Royaume-Uni, ses collègues et lui ont fondé une nouvelle organisation, le Hong Kong Labour Rights Monitor (HKLRM – observatoire des droits du travail de Hong Kong), pour continuer à soutenir le mouvement syndical à Hong Kong.

Quel était le but de votre visite en Suisse?

Christopher Mung: Je suis venu pour assister aux réunions de consultation des Nations unies avec les diplomates de différents pays pour l’Examen périodique universel (EPU) sur la Chine (y compris Hong Kong) qui se tiendra en janvier. Depuis mon exil il y a deux ans, je me suis rendu trois fois à Genève pour l’examen des conventions des Nations unies sur les droits de l’homme à Hong Kong.

Sous les menaces politiques, aucune personne ni organisation de Hong Kong sur le terrain ne s’est rendue aux Nations unies pour faire sa déclaration, craignant d’être accusée de collusion avec les forces étrangères. C’est pourquoi notre organisation, HKLRM, est devenue la seule voix des mouvements syndicaux indépendants.

Il s’agira du premier examen dans le cadre de l’EPU depuis la mise en œuvre de la loi sur la sécurité nationale en 2020. Il est donc très important pour nous d’attirer l’attention de la communauté internationale. Nous avons rassemblé les informations et les cas qui démontrent comment cette loi détruit systématiquement différents aspects de la société dans son ensemble. Nous espérons vivement que son abrogation sera incluse dans les recommandations de l’EPU.

Quelle est la situation actuelle à Hong Kong?

Le gouvernement chinois a utilisé sa loi sur la sécurité nationale pour réprimer le mouvement syndical et la société civile à Hong Kong. Depuis, au moins 280 personnes ont été arrêtées pour avoir mis en danger la sécurité nationale et plus de 175 syndicats et 60 organisations de la société civile ont été dissous. La plupart d’entre elles sont des dirigeants de mouvements démocratiques, des étudiants militants, des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des syndicalistes. Ils n’ont rien fait pour mettre en danger la société, ils ont simplement exercé leurs droits et leurs libertés fondamentaux inscrits dans la loi.

«Les syndicats qui ont survécu font l’objet d’une surveillance politique intensive de la part des autorités» Christopher Mung

Après l’entrée en vigueur de cette loi, les syndicats luttant pour la démocratie ont été accusés de «subversion du pouvoir de l’Etat» et la solidarité internationale a été stigmatisée en tant que «collusion avec une force étrangère». Certains dirigeants syndicaux ont été emprisonnés pendant plus de deux ans et demi.

Les syndicats qui ont survécu font l’objet d’une surveillance politique intensive de la part des autorités. La plupart ont cessé de recevoir des fonds de l’extérieur et d’entretenir des relations avec les syndicats internationaux.Outre la loi sur la sécurité nationale, le régime chinois réactive également les lois coloniales, qui n’ont pas été utilisées pendant des décennies, pour contrôler les syndicats. En invoquant les articles des ordonnances syndicales, par exemple, les autorités interdisent aux syndicats de participer à des activités politiques et d’utiliser leurs fonds à des fins politiques.

Quel lien entretenez-vous avec les syndicats en Suisse?

Lors de mon passage en Suisse, l’USS a organisé une rencontre avec le chef de la direction du travail au SECO, Boris Zürcher, et la responsable des affaires internationales du travail au SECO, Valérie Berset Bircher, par ailleurs ambassadrice de la Suisse auprès de l’OIT.

A cette occasion, j’ai pu expliquer en détails la situation actuelle de la répression des syndicats et des syndicalistes à Hong Kong. Cette réunion m’a permis d’envisager les possibilités futures d’une campagne internationale sur le travail dans le contexte des accords de libre-échange en Suisse et au-delà. Pour autant que je sache, la Suisse est l’un des rares pays à faciliter l’accord de libre-échange avec la Chine par des mécanismes de dialogue sur le travail et les droits de l’homme et je pense que cette approche est la bonne direction à suivre.

J’ai aussi trouvé très encourageant qu’une lettre officielle signée par le président de l’USS ait récemment été envoyée à l’ambassadeur de Chine en Suisse concernant les problèmes liés aux syndicalistes arrêtés, emprisonnés et recherchés à Hong Kong.

Qu’attendez-vous de la Suisse pour continuer à soutenir le peuple et les activistes hongkongais?

Nous ne savons pas combien de temps il nous faudra pour surmonter tous ces démons. Cependant, une chose est sûre, les valeurs et les convictions que nous défendons vivront plus longtemps que celles de la dictature. J’espère que le peuple et le gouvernement suisses pourront continuer à s’exprimer au niveau international en faveur du peuple de Hong Kong et des militants emprisonnés qui souffrent des répressions politiques. En outre, il est également important de soutenir les personnes qui fuient Hong Kong pour se réfugier en Suisse. Après tout, selon moi, une véritable société démocratique doit non seulement mettre en place des institutions démocratiques sur son propre sol, mais aussi défendre et protéger les personnes qui luttent pour la démocratie partout ailleurs. L’ÉVÉNEMENT SYNDICAL

La Chine vue de l’Occident

Le syndicaliste Christopher Mung explique que deux mythes étaient assez répandus dans nos pays à propos de la Chine. «Le premier était que, avec l’entrée dans l’économie mondialisée et les réformes qui ont suivi, la Chine deviendrait plus ouverte, plus transparente et plus démocratique. Au regard des trente dernières années, ce n’est pas ce qui s’est passé. Au contraire, le régime chinois est devenu plus autocratique et oppressif sous la direction de Xi Jinping.»

Le deuxième mythe était que, dans les relations avec la Chine, il était possible de séparer l’économie de la politique. «Mais le gouvernement chinois ne sépare jamais l’économie de la politique. Il s’est infiltré dans tous les domaines de la société occidentale grâce à son pouvoir croissant de l’argent. En réalité, les capitalistes font d’énormes profits en exploitant les systèmes oppressifs contre le droit des travailleurs à s’organiser et le travail forcé en Chine. Par conséquent, la séparation de l’économie et de la politique n’est qu’une illusion. Tels sont les enseignements que l’Occident aurait dû tirer des engagements passés avec le gouvernement chinois. Une approche plus décisive et plus déterminée est manifestement nécessaire.»

Le 10 décembre ont eu lieu des élections locales à Hong Kong pour élire les conseillers des 18 districts de la ville. Un événement qui a été rigoureusement contrôlé par Pékin, qui a réduit le nombre de sièges concernés par le scrutin direct à 88 – au lieu de 462 –, ces derniers étant sous la coupe du gouvernement chinois. Celui-ci a tout mis en œuvre pour que ces élections soient réservées à des candidats dits «patriotes», excluant de fait tous les membres des partis de l’opposition. Résultat: la participation n’a jamais été aussi faible, avec seulement 27% de Hongkongais qui se sont déplacés aux urnes, soit 1,2 million sur les 4,3 millions d’électeurs…

«Cette élection de district était une fausse élection, la faute au gouvernement qui a complètement écrasé l’élection démocratique que nous avions auparavant, réagit Christopher Mung. La plupart des sièges élus par vote direct ont été remplacés par ceux de candidats nommés et de petits cercles d’élection. Tous les candidats doivent être qualifiés de ‘patriotes’ et validés par un petit cercle de personnes. Aucun démocrate n’a été inclus dans l’élection. Au final, le résultat de cette élection a enregistré le taux de vote le plus bas de l’histoire de Hong Kong. La colère du peuple a été exprimée par ce silence massif. Il a exprimé sa résistance au régime autocratique en boycottant cette élection illégitime. Bien que cette forme de résistance soit passive, c’est l’un des rares moyens dont disposent les habitants de Hong Kong pour exprimer leur mécontentement…» MTO

Article publié dans l’Evènement syndical du 20 décembre 2023

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