Génocide à Gaza?
Israël est désormais officiellement accusé de génocide à Gaza. L’Afrique du Sud a osé saisir la Cour internationale de justice (CIJ) le 29 décembre dernier. Une accusation qui ne peut être portée à la légère, s’agissant du crime le plus grave en droit international. Dès le mois d’octobre, ce qualificatif était utilisé dans les manifestations de par le monde qui dénonçaient la riposte aveugle de l’Etat hébreu aux attentats criminels du Hamas. Jugé excessif, il était passé sous silence par la plupart des médias occidentaux.
La première salve de crédibilité avait été tirée le 15 octobre par 800 universitaires spécialistes de droit international, signataires d’une déclaration alertant sur la «possibilité d’un crime de génocide». Un mois plus tard, une quarantaine d’expert·es de l’ONU avaient publié une tribune similaire.
Depuis, la multiplication des crimes de guerre et contre l’humanité commis à Gaza – portant le nombre de victimes civiles à quelque 22 000 aujourd’hui –a convaincu plus largement de la nature génocidaire des actes commis par Israël. D’autant que de nombreuses déclarations de hauts responsables israéliens, comme celle du ministre de la Défense qualifiant les Palestiniens d’«animaux humains» et celle du ministre de la Sécurité nationale qui a annoncé mercredi l’intention de vider Gaza de ses habitants – se sont succédé.
Le génocide a cette particularité qu’il est commis «dans l’intention de détruire, en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux». Il comprend notamment la «soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle». Réservée il y a encore quelques semaines, la rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, estime désormais que la définition du génocide s’applique au cas de Gaza. A ses yeux, ce n’est pas parce que le concept a été forgé pour désigner la Shoah qu’il ne peut être utilisé ici: «C’est justement parce que la leçon du génocide contre les juifs a été forte que nous avons une responsabilité à reconnaître quand ce crime peut se dérouler ailleurs.»1
La plainte sud-africaine, ô combien symbolique en raison de l’héritage de l’apartheid aujourd’hui répliqué par Israël, pourrait contribuer à stopper le génocide. Sans se bercer d’illusions, on est en droit d’attendre que la CIJ prononce des mesures immédiates pour enjoindre Israël à cesser les massacres. Cela aurait le mérite de mettre la pression sur les Etats occidentaux, dont la Suisse, pour qu’ils mettent fin à leur complaisance, voire à leur complicité.
1 Mediapart, le 28 décembre 2023