Édito

Emmanuel Le Pen?

Emmanuel Le Pen?
Le président français Emmanuel Macron, ici à Bruxelles le 15 décembre. KEYSTONE
France

Marine Le Pen a-t-elle pris une option sur l’Elysée avec le vote de la nouvelle loi sur l’immigration par le parlement français? Peut-être. Quoi qu’il en soit, hier, le Rassemblement national (RN) criait victoire. Plusieurs de ses obsessions – préférence nationale, remise en cause du droit du sol – ont trouvé une forme de légitimation dans ce texte législatif.

La majorité présidentielle est sortie sonnée de ces débats. Quitte à jouer avec les mots. La première ministre, Elisabeth Borne, a ainsi tenté de finasser: ce texte serait passé sans les voix du RN, a-t-elle plaidé. Or, arithmétiquement, si ce dernier avait maintenu son opposition à un texte jugé trop laxiste et voté avec la gauche, la loi aurait été rejetée! Ses propos ne relèvent pas totalement du mensonge, mais ils prennent quelques libertés avec le réel.

L’histoire retiendra qu’Emmanuel Macron, qui s’est fait élire à deux reprises en rempart contre l’extrême droite, sera sans doute celui qui lui a le mieux pavé la voie. En reniant des principes fondamentaux de l’Etat de droit démocratique, et notamment le principe d’égalité une et indivisible de toutes et tous devant la loi.

Une mini crise gouvernementale en a résulté. Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a démissionné. Et on verra si le Conseil constitutionnel qui sera saisi de la loi aura quelque chose à redire en termes de légalité.

Cette extrême-droitisation n’est d’ailleurs pas réservée à la France. La Suisse des «moutons noirs» a tracé des pistes similaires, avec l’UDC dans le rôle de l’extrême droite lepéniste. Et, hier, un accord sur les migrations a été trouvé entre les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne. Il consolide encore la forteresse Europe, celle qui voit des dizaines de milliers de migrant·es se noyer en Méditerranée. Particulièrement odieuse, la généralisation des détentions préventives en vue d’une expulsion des familles avec enfants!

Cette politique du repli et du rejet doit être combattue. Encore et toujours. Sans complexes et avec force. L’étranger et l’étrangère doivent être vues comme une richesse, comme une ouverture sur le monde, pas comme une entité menaçante et profiteuse. C’est en ouvrant les fenêtres qu’on fait souffler de l’air frais. Pour l’heure, on étouffe des remugles, la démocratie n’en sera que plus atteinte dans sa santé.

Opinions Édito Philippe Bach France Asile Immigration

Connexion