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«Le silence du MAPC et d’Uniterre»

Mauricio Leon s’étonne de l’absence de mobilisation des organisations agricoles progressistes dans la campagne pour les élections fédérales 2023, et notamment de leur manque de soutien aux candidat·es de gauche – «qui, pourtant, sont un de leurs relais au parlement».
Elections fédérales

Habitant dans le canton de Genève, je fais partie de celles et ceux qui, au début du mois d’octobre, ont reçu de la part d’associations ou coopératives, du type Codha ou ProVélo, des courriels nous invitant à voter aux élections fédérales pour des candidat·es (de gauche), qui défendent les valeurs et intérêts de ces organisations. Cependant, concernant les organisations agricoles (de gauche?) telles que le MAPC (Mouvement pour une agriculture paysanne et citoyenne) ou le syndicat Uniterre, silence radio.

A l’opposé, le 7 octobre 2022 – une année à l’avance! – l’Union suisse de paysans (USP), organisation agricole de droite conservatrice, annonçait déjà dans la presse la création d’une «alliance» avec les faitières Economiesuisse, l’Union suisse des arts et métiers (USAM), et l’Union patronale suisse (UPS), afin de mener campagne pour les élections fédérales de 2023, en jouant l’ambiguïté de «ne pas soutenir des partis, mais des valeurs». Le journaliste du 12h45 de la RTS terminait la note à ce sujet en précisant: «la bataille des fédérales de 2023 est donc lancée; aux yeux de l’alliance, le parlement aujourd’hui est trop instable, il est aussi source de blocage, parce que trop jeune, trop vert, trop féminin aussi».

Depuis, le lobby paysan de droite a été très mobilisé, Markus Ritter, le président de l’USP, lui-même conseiller national du Centre et cofondateur de l’«alliance», n’a cessé d’appeler par tous les moyens tous les membres des «familles paysannes» à aller voter. On connaît la suite: nombreux paysans membres de l’UDC ont été élus et réélus.

Le soussigné avait pris la peine de prendre contact avec les représentants du MAPC et d’Uniterre pour leur demander de former une large coalition contre cette «alliance» néfaste pour les intérêts de toute organisation de gauche ou progressiste. Et soutenir ainsi des candidat·es qui se battent au parlement pour «une autre agriculture» – c’est-à-dire respectueuse des aspects sociaux, des femmes, du climat et de l’ensemble du vivant. Les uns (MAPC) m’ont répondu qu’ils tenaient à rester «a-partisans», les autres (Uniterre) m’ont cité leur charte: «Notre organisation ne se réclame d’aucune appartenance politique».

Ces réponses peuvent paraître très étonnantes, car une lecture des manifestes et prises de position des deux organisations montrent qu’elles ne sont pas «neutres» au niveau politique. Bien au contraire, on pourrait les situer à gauche de l’échiquier politique, voire dans la gauche radicale – elles questionnent le capitalisme, le néolibéralisme.

Plus surprenant encore, c’est que ces organisations collaborent étroitement avec des politicien·nes de gauche (notamment Uniterre) pour présenter «leurs idées» au parlement, comme cela a été le cas en novembre 2022. Je pense à la conseillère nationale verte genevoise Isabel Pasquier-Eichenberger (non réélue) qui avait déposé l’initiative parlementaire «Pour un observatoire des prix efficace dans les filières agroalimentaires», ainsi qu’à son homologue vaudoise Valentine Python (non réélue) avec son initiative parlementaire «Protégeons nos agriculteurs et agricultrices. Pour un ombudsman agricole et alimentaire». Ces deux textes ont donc été rédigés en collaboration avec Uniterre. Le silence est d’autant plus incohérent de la part du syndicat paysan qu’un de ses secrétaires, le maraîcher Rudi Berli, s’était lui-même présenté aux élections fédérales sous la bannière des Vert·es genevois·es!

Les Petits Paysans (VKMB), une association agricole alémanique non affiliée à l’USP, n’a pas hésité à faire carrément campagne pour leur président, Kilian Baumann, réélu au Conseil national avec le meilleur score des Verts bernois! Sur le site Internet de VKMB, on peut lire: «Dans ce contexte, le recul des forces écologiques et le succès de la droite conservatrice ne constituent pas un bon signal. La réélection du président de l’Association des petits paysans est donc d’autant plus importante».

L’auteur, qui vient de Meinier (GE), précise qu’il s’exprime ici à titre personnel.

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