Édito

Verrouiller le débat

Verrouiller le débat
Manifestation à Lausanne jeudi soir. KEYSTONE
Israël-Palestine 

Zurich et Bâle ont décrété des interdictions de manifester en raison du conflit au Proche-Orient. Berne a promulgué des décisions similaires, en arguant d’un agenda chargé bien commode: la tenue d’un match de foot entre les Young Boys et le FC Zurich, la projection d’un son et lumière et l’actualité des élections fédérales… 

Une suspension d’une liberté démocratique fondamentale qui ne laisse pas d’inquiéter. D’autant plus que des cortèges conséquents – 6000 personnes à Genève samedi dernier, 5000 à Lausanne jeudi – ont eu lieu dans un climat raisonnablement serein et sans débordements au vu de la gravité de ce qui se passe dans le cadre du conflit israélo-palestinien.

Ce rétrécissement du champ démocratique est le révélateur d’une incapacité à appréhender l’antagonisme israélo-palestinien dans sa durée, crise qui n’a pas débuté le 7 octobre dernier avec les massacres inhumains commis par le Hamas. Il est la résultante d’une certaine complaisance occidentale – et particulièrement étasunienne – face aux pratiques contraires au droit international de l’Etat d’Israël.

Tolérer les expulsions des Palestinien·nes, l’occupation militaire, la confiscation de leurs terres et la colonisation, laisser impunis toute une série de meurtres, de massacres de civil·es par bombardements aériens et de répressions sanglantes de manifestations, ne rien faire face à cette prison à ciel ouvert qu’est Gaza équivaut à maintenir un couvercle sur une marmite qui bout. Il ne faut pas s’étonner ensuite lorsque celle-ci explose.

Il est frappant de voir la paralysie de la communauté internationale, ONU en tête. Le veto mis par les Etats-Unis à la dernière résolution du Conseil de sécurité, pourtant des plus modérées, en est l’illustration la plus frappante.

On reproche aux défenseurs et défenseuses des Palestinien·nes de ne pas dire avec assez de clarté l’ignominie des crimes du Hamas. C’est oublier que les espaces pouvant accueillir ce type de discours sont de plus en plus clos au nom de pseudo-impératifs sécuritaires qui verrouillent la possibilité de débattre. Tenter d’expliquer vous place très vite dans le camp des «terroristes».

Et c’est occulter inversement la tenue d’un discours qui réduit la partie palestinienne au statut d’animal, pour reprendre les mots sinistres du ministre israélien de la Défense. Sans chercher à analyser les conditions qui ont mené à ces horreurs, sans chercher une sortie autre que celle de la répression aveugle qui viole les normes internationales et aboutit à des crimes de guerre. Et en stigmatisant les voix qui dénoncent cet état de fait. Le contraire d’un débat démocratique et d’une diplomatie à même de dessiner quelque horizon à une crise qui n’en offre pour l’heure aucun.

Opinions Édito Philippe Bach Israël-Palestine 

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Israël-Palestine: l'explosion

vendredi 13 octobre 2023
«La cocotte minute de l’oppression coloniale a explosé le 7 octobre dernier.» Tous nos articles sur le conflit entre le Hamas et Israël.

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