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Nouvelle offensive carcérale à Genève

Le collectif «Parlons prisons» questionne la planification pénitentiaire prévue dans le canton de Genève, qui jette notamment les bases de la construction d’une nouvelle prison et dont le budget sera voté à l’automne.
Détention

Dans une décision prise en mars dernier, le Grand Conseil genevois a approuvé une loi inédite sur la planification pénitentiaire, ouvrant la voie à une expansion substantielle de la capacité carcérale dans le canton de Genève. Ce projet, s’il se matérialise, impliquera la création de 401 nouvelles places de détention qui viendront s’ajouter aux 726 places déjà existantes. Cette augmentation vertigineuse de 55% est synonyme d’une densification extrême sur le site de Champ-Dollon, à Puplinge. C’est à se demander si, sur cette commune, les personnes détenues seront-elles bientôt plus nombreuses que les personnes libres?

Ce projet d’expansionnisme carcéral émerge dans un contexte de résistance de la part des personnes incarcérées. Ces derniers mois, elles se sont régulièrement opposées à des conditions de détention extrêmement dures. Parmi ces actes de résistance, on peut citer la grève des ateliers à la Brenaz l’été dernier, la mobilisation autour des conditions de détention à la Favra au printemps 2023, l’engagement de mères d’enfants de détenus pour des parloirs moins traumatisants pour leurs enfants, les révoltes à la Clairière durant l’été 2023, les conditions insoutenables pendant le dernier épisode caniculaire et les nombreux épisodes de résistance qui ne s’ébruitent que rarement par-delà les murs des prisons.

Sournoisement, les autorités ont réussi à détourner ces revendications légitimes et à les réorienter en faveur d’un programme d’expansion carcérale présenté comme la seule solution. Nous avons ainsi vu l’ex-conseiller d’Etat Mauro Poggia s’ériger en défenseur des droits des détenu·es, proposant l’agrandissement du parc carcéral pour mieux «respecter les droits humains». Sa successeure socialiste, Carole-Anne Kast, s’est d’ailleurs empressée d’adopter sa rhétorique, expliquant récemment qu’elle défendait la construction de plus de prisons pour «offrir de la dignité aux détenu·es». Le revirement fut rapide pour celle qui se présentait autrefois comme la représentante de «l’aile gauche du PS».

De notre côté, nous n’avons pas oublié le 26 mai 1977. Ce jour-là, les autorités genevoises inauguraient la prison de Champ-Dollon à la suite de la fermeture de la prison de Saint-Antoine, qualifiée d’insalubre. Lors de la séance d’inauguration, les autorités assuraient mettre fin à cette «honte» et offrir une nette amélioration des conditions matérielles pour les personnes détenues. Mais une prison ne reste pas vide longtemps dans un Etat qui a à cœur le «maintien de l’ordre». La suite est bien connue: Champ-Dollon devint la prison la plus surpeuplée de Suisse, condamnée à de multiples reprises par le Tribunal fédéral.

Aujourd’hui, l’histoire se répète et la question fondamentale, celle de la politique pénale, reste négligée. On discute les conséquences, jamais la cause. Pourtant, concernant «la criminalité» (globalement en baisse depuis plus de dix ans), la majorité des criminologues s’accordent sur un point: la prison fait partie du problème, pas de la solution. Une prison ne sera jamais autre chose qu’une prison: un endroit clos, néfaste et violent. Elle ne permettra jamais aux personnes incarcérées de se porter mieux et d’envisager un futur meilleur.

Il ne fait pas de doute que le budget considérable prévu pour cette expansion carcérale (726 millions de francs) pourrait être mieux employé. Après l’abandon du projet de la prison des Dardelles en 2020, il subsiste l’espoir que les parlementaires genevois·es s’opposent également à ce nouveau projet lors du vote sur le budget dans les mois à venir. Dans ce décor, il nous semblait important de rappeler qu’un monde sans prison est possible, désirable et urgent.

En attendant un contexte politique qui rende cet avenir envisageable, toutes nos pensées et tout notre soutien continueront d’aller vers les personnes détenues et leurs proches, qui luttent quotidiennement contre des politiques mortifères.

Parlons prisons est un collectif genevois de soutien aux personnes détenues et à leurs proches, parlons_prisons@riseup.net; @parlonsprisons

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