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Faire payer les pauvres

A la suite de la lecture d’une chronique parue dans Le Temps, Marius Zimmermann commente une proposition du PLR qui concerne l’assurance-maladie.
Santé

Je réagis à la lecture de la chronique de Mme Marie-Hélène Miauton, publiée dans Le Temps du 1er septembre 2023. Elle y invite à suivre la proposition du PLR de couverture maladie «budget», pour faire baisser les coûts de la santé. Le PLR entend ainsi faire baisser d’un quart les primes, axant l’effort sur la responsabilité individuelle.

Il faut savoir que 80% des coûts de la santé sont dus aux cinq maladies non transmissibles les plus répandues: le cancer, les maladies cardio-vasculaires, les affections chroniques des voies respiratoires, le diabète et les maladies musculo-squelettiques (source: OFSP). Il s’agit de maladies chroniques, face auxquelles il va sans dire que l’usager n’a pas la même liberté de choix, concernant sa prise en charge médicale, que s’il s’apprêtait à acheter une voiture. Par contre, la prévention a un effet potentiellement majeur pour réduire l’incidence et limiter l’impact de ces maladies.

Pour les facteurs de risque, notons que le peuple a accepté, il y a plus d’un an, l’initiative visant à interdire la publicité pour le tabac auprès des jeunes. Il s’agissait alors d’un grand pas vers une réduction des coûts de la santé, certes aux dépens de l’industrie du tabac. Le peuple a ici voté avec intelligence. Au contraire, le Conseil national a, en début d’année, rejeté deux initiatives visant à limiter les quantités de sucre dans notre alimentation. Pour une question d’ADN politique, disait déjà Alain Berset en 2019. Voilà qui est éclairant pour le débat d’aujourd’hui. Or en 2019, le surpoids et l’obésité concernaient près de 41% des adultes, et 19% des enfants (source: Rts Info 27 août 2019). Pas assez lourd face aux lobbies?

Invoquer la responsabilité individuelle, du moins elle seule, semble bien insuffisant en regard des enjeux que présente le système de santé. En effet, les premiers contributeurs aux coûts sont les hôpitaux (et on a vu lors de la crise Covid qu’ils ne sont pas surdotés, loin s’en faut). Les autres, ce sont les professionnels de la santé, les assureurs (dont la gestion des comptes est soumise au secret d’entreprise), l’industrie alimentaire et pharmaceutique, etc. Ce que propose le PLR, c’est faire payer les pauvres et le détricotage d’un système basé sur la solidarité, que beaucoup de pays nous envient (source: Santésuisse). Loin de faire baisser les coûts de la santé, la proposition est une mesure qui manque sa cible et se résume à un slogan pour les prochaines élections fédérales.

Marius Zimmermann,
Médecin, Genève

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