Confidences
Des amis m’ont prêté le dernier roman de Bernard Pivot. Il est écrit sous la forme d’une confidence. La banane ne m’a pas quitté du début à la fin. Sous le titre «…mais la vie continue » édité par Albin Michel, nous vivons la vie amusante des JOP, les Joyeux octogénaires parisiens. Tous leurs défauts et leurs qualités permettent à l’auteur de dresser une fresque presque exhaustive de la vie des retraités. Ces sujets sont décrits avec une autodérision telle qu’elle convainc les jeunes de se réjouir d’être à la retraite et les octogénaires de mesurer la chance qu’ils ont de vivre une telle réalité, une telle tranche de vie à laquelle tant de générations n’ont pas eu droit.
A toutes les pages, il y a un bon mot, une formule de grande justesse, l’une de ces expressions que l’on relit deux fois pour ne pas l’oublier et la partager avec des amis octogénaires ou pas. Les chapitres se succèdent à un rythme soutenu. Ils traitent de tout ce qui fait la vie des Jeunes octogénaires parisiens. La santé revient cinq fois, la lenteur deux fois, le tassement de 2 centimètres, était-ce mieux avant? Alzheimer, les obsèques, internet, les nouvelles amours, les souvenirs d’enfance, la solitude, la peur de manquer, les ajustements, les délestages, les aveux tardifs, etc.
«J’écris deux livres. Le matin, mes mémoires, l’après-midi celui qui évoque la réalité des octogénaires.» nous dit Pivot. Mais en fin de bouquin il affirme avoir laissé tomber ses mémoires: «Le passé est le passé.» Ce passage n’est pas sans m’interpeller. Je viens de publier les miennes sous le titre: «Un bouquet d’anecdotes.» Le mot «aïeul» a disparu. Plus de pépé, mémé, ni grand-papa ou grand-maman. Papé et papet ont disparu avec Pagnol. Bonne-maman ou mère-grand ont rendu l’âme. Ces appellations vieillissent les vieux. Souvent, les grands-parents d’aujourd’hui sont appelés par leurs prénoms.
Pivot ajoute encore un regret. «Il n’y aura presque personne à mon enterrement car tous mes amis seront morts avant. Mais à bien y réfléchir, si je devais choisir, je préfèrerais quand-même poursuivre et mourir seul. La vie, Bon Dieu, j’y tiens.» Cette longue liste de citations vous aura, je l’espère, fait envie de lire ce livre qui, je n’en doute pas, décrit la réalité de certains.
Pierre Aguet,
Vevey (VD