Electricité : marché, mon beau marché…
Tout augmente, sauf la vue, dit l’adage. L’an prochain, le coût moyen du kilowattheure (kWh.) progressera en moyenne de 18% en Suisse, selon les calculs de la Commission fédérale de l’électricité (ElCom). Le prix médian de l’électricité sera de 32,14 centimes par kWh. Pour un ménage type qui consomme 4500 kWh par an, la factura passera de 1224 francs par an à 1446 francs. Soit une hausse de 222 francs.
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Plusieurs facteurs expliquent cette nouvelle hausse: le prix de l’énergie produite reste volatil en ces temps de guerre d’Ukraine, les mesures décidées par Berne – la réserve dite d’hiver – renchérissent le prix de l’énergie, sans oublier les coûts de transport et les investissements d’infrastructure.
En soit, la progression des factures n’est pas dramatique. Le problème étant qu’elle s’additionne à d’autres augmentations: les primes d’assurance-maladie, la TVA, les loyers, la nourriture, etc. Et ces hausses interviennent dans une opacité certaine. Avec une clientèle captive. Pas le meilleur paradigme économique.
Gageons que l’on va entendre les habituels moulins à vent ânonner l’antienne néolibérale: «C’est parce que le marché n’est pas assez libéralisé». Il faudrait que les consommateurs soient libres de faire leur shopping en fonction de la sacro-sainte offre et demande. Le même discours sectaire qui nous avait été servi pour les primes d’assurance-maladie…
C’est oublier un peu vite que les petits malins qui ont joué à ce jeu ont pris le bouillon. Actuellement cette latitude de boursicoter est réservée aux gros consommateurs (plus de 100’000 kWh par an). Les collectivités publiques qui ont choisi cette option s’en sont mordu les doigts. La Ville de Genève – on se demande ce qu’elle est allée faire dans cette galère et qui a pris cette stupide décision – a dû encaisser un surcoût annoncé de 12 millions de francs pour l’année en cours. Soit une augmentation de 200% !
Du coup, c’est bien l’ouverture du marché et sa fragmentation – entre production, distribution et transport – qui doivent être questionnées. En termes de service public – l’énergie est un besoin fondamental – et non de marché, comme on va nous le servir ces prochaines semaines.
Car tous ne sont pas perdants dans ce jeu de dupes. Comme le rappelait mardi l’Union syndicale suisse, le géant Axpo a réalisé l’an passé un bénéfice coquet de 2,2 milliards de francs. Gageons que cet argent a atterri dans des poches plus profondes que celles de la majorité des ménages confrontés aux fins de mois difficiles.