De l’espoir en Amérique
La victoire à l’élection présidentielle d’un candidat de gauche modérée au Guatemala et l’arrivée en tête au premier tour de la prétendante corréiste en Equateur ce dimanche constituent assurément de bonnes nouvelles pour l’Amérique latine. Le camp progressiste se renforce aujourd’hui un peu plus au centre et au sud du continent, renouant avec la vague de conquêtes électorales du début du millénaire, éclipsées pour un temps à la fin des années 2010.
Nombre de pays sont même passés à gauche ou au centre-gauche ces dernières années pour la première fois depuis des lustres (ou depuis toujours) – Mexique, Chili, Colombie en particulier. Et d’autres ont renouvelé des processus démarrés il y a une vingtaine d’années – Argentine, Bolivie et Brésil notamment.
Pour le Guatemala, c’est une première ou presque. Les neuf scrutins succédant à trente ans de dictature – initiée en 1954 par le coup d’Etat organisé par la CIA contre le président Arbenz – ont invariablement porté au pouvoir des candidats soutenus par l’oligarchie. L’élection ce dimanche de Bernardo Arévalo avec 59% des voix semble tenir du miracle tellement l’establishment s’est acharné contre lui dans un pays connu pour son déficit démocratique, en tentant encore en juillet de suspendre son parti, Semilla.
L’arrivée au pouvoir d’une personnalité de centre-gauche engagée contre la déliquescence de l’Etat représente l’opportunité de rompre avec «le pacte des corrompus». Une collusion d’intérêts économiques, politiques et militaires marquée à droite, dont les accointances avec le crime organisé sont dénoncées par la société civile.
Reste à voir si Bernardo Arévalo saura s’appuyer, pour obtenir des changements structurels, sur le mouvement social issu du printemps guatémaltèque de 2015 qui avait inspiré la création de son parti. Et à sa gauche, sur Thelma Cabrera, leader autochtone du Mouvement pour la libération des peuples (MLP), empêchée de concourir à l’élection sous de fallacieux prétextes…
En Equateur, les jeux ne sont pas faits puisque le second tour du scrutin aura lieu le 15 octobre. Mais la candidate Luisa Gonzalez, qui s’inscrit dans la ligne de l’ex-président de centre-gauche Raphaël Correa, est donnée favorite, avec plus de 33% des votes du premier tour. Comme son homologue guatemaltèque, Mme Gonzalez devra, si elle est élue, tenir tête aux gangs armés de narcotrafiquants, dont ceux qui ont vraisemblablement fait assassiner ces dernières semaines plusieurs personnalités connues pour leur lutte anticorruption, comme le candidat Fernando Villavicencio.
La tâche parait herculéenne pour les présidents progressistes souvent dépourvus de majorités parlementaires. Et qui ont la gageure de combattre dans un même mouvement la pauvreté, la prévarication et la violence générées par la concentration des richesses et du pouvoir, sans pour autant avoir les moyens de renverser la table. Mais impossible n’est pas latino-américain.