On nous écrit

Le grand méchant Lupa

Béatrice Graf critique le traitement rédactionnel par notre journal de l’annulation du spectacle Les Emigrants du polonais Krystian Lupa.
Théâtre

Pour qui n’aurait suivi l’affaire de la Comédie de Genève qu’au travers des articles du Courrier, elle semblerait réglée à la manière d’un conte pour enfants: tout est la faute du grand méchant Lupa.

La couverture de cet évènement, dont les conséquences n’ont pas fini de se déployer, a été si partielle qu’elle en est devenue partiale. Au risque de la mystification voulant faire de cet épisode un moment quasi biblique, voyant un David de la technique terrasser un Goliath artistique. Ainsi, l’examen dans ses colonnes du fiasco de l’annulation d’un spectacle à quelques jours de sa première tient uniquement au metteur en scène et à son ego. Le narratif d’un créateur certes inspiré, mais désorganisé et tyrannique s’installe au fil des éditos et articles.

C’est d’un manichéisme confortable, mais peu convaincant. En effet, pour un journal disant aller au fond des choses, le lecteur reste sur sa faim car l’histoire qu’on nous raconte évacue une dimension d’importance: la responsabilité de la direction des lieux. Celle-ci aurait fait le nécessaire, nous dit-on, en décidant de ne pas remplacer son équipe technique épuisée et, de là, en annulant la production en cours. Or, rien ne saurait être plus faux!

Une direction d’institution est, par définition, responsable de ce qui se passe dans ses murs. Et s’il peut lui arriver de devoir éteindre un incendie, on attend surtout d’elle qu’elle évite le départ du feu. Sa responsabilité commence lorsqu’elle décide d’inviter un metteur en scène sur son plateau, prenant à sa charge une grande partie de la production. C’est donc à elle qu’il revient de préparer ses équipes, afin qu’elles soient en mesure de faire face à la production à venir. Le fait que l’équipe technique indique avoir été en situation d’échec devrait logiquement conduire à interroger la réalité de cette préparation. On ne peut donc donner si légèrement quittance à la direction. Ne serait-ce que parce que si sa décision ne sera pas sans conséquences pour l’institution, elle crée d’ores et déjà un lourd préjudice à l’équipe artistique, à laquelle on ne reproche rien au demeurant, mais qui fait les frais de l’annulation.

Ainsi, avoir relayé encore récemment le discours jésuitique de la direction sans aucun examen critique n’est pas à l’honneur du travail de vérité auquel un journal se doit. Annuler une production ne peut être qu’une mesure de dernier recours. Etait-ce le cas? Rien n’est moins sûr.

Béatrice Graf,
Genève

Réponse de la rédaction

Mme Graf critique le travail de notre collègue pour son traitement de l’imbroglio de l’annulation de la pièce Krystian Lupa par la direction de la Comédie. En l’occurrence, nous estimons quant à nous que ce travail a été mené avec rigueur et honnêteté. Quant au fait que certaines voix n’auraient pas eu droit de cité, cela est surtout lié au fait que ces personnes ont refusé de s’exprimer.

Philippe Bach,
rédacteur en chef du Courrier

Opinions On nous écrit Votre lettre Théâtre

Connexion