Les résultats des scrutins fédéraux de ce week-end, pour divers que soient les objets, ont tout de même un point commun: ils s’inscrivent dans une révolution copernicienne. Ils portent sur des propositions qui semblaient relever de l’utopie il y a encore quelques années. Le volontarisme dont a dû faire preuve le gouvernement durant la crise du Covid laissera des traces dans un pays volontiers néolibéral; la loi climat inscrit dans la Constitution un objectif qui imposera de repenser nos modes de production et de consommation; et, comme avec la fin du secret bancaire dont elle ne voulait pas, l’OCDE a imposé à la Suisse de rompre avec ses détestables pratiques de prédation de l’impôt.

Bien sûr, ces lois sont insuffisantes. Celle portant sur le climat ne permettra pas de respecter correctement les objectifs sur le climat tels que définis dans l’accord de Paris. Le taux à 15% qui frappera les multinationales a ses défauts: il ouvre notamment la porte à une concurrence qui avantagera les cantons qui jouent le plus grossièrement la carte du moins d’impôt. Et les questions en termes de libertés publiques relatives à la loi Covid restent posées.

La société civile devra maintenir une pression considérable pour que les tendances validées ce dimanche soient suivies d’effets. La tentation sera maintenant de penser que tout est réglé, alors que tant reste à faire. La crise climatique est systémique et pas seulement environnementale. Elle est celle d’un système de production devenu fou et qui ne voit son salut que dans la fuite en avant. Ce qui est impossible pour des raisons écologiques, mais pas seulement. L’extension perpétuelle du capitalisme butte désormais sur la finitude géographique de notre planète.

Il faudra être capable de se réinventer. Cela suppose une solide dose de courage et de créativité. Dimanche, on a surtout entendu de vieilles recettes éculées: relançons le nucléaire, utilisons du carburant synthétique. Il faudra davantage d’ambition. Développer le réseau autoroutier, comme le veulent les Chambres, relève de cette inconséquence et de cette paresse intellectuelle. Le réseau de ferroviaire est sous-doté: c’est là que doivent aller nos efforts; le trafic aérien doit être réorienté vers des vols socialement, économiquement et culturellement utiles, pas à transporter des hordes de fêtards ou de skieurs du dimanche.

Cela impliquera un rôle accru de l’Etat pour piloter ce changement en lieu et place de la soi-disant main invisible des marchés qui n’est rien d’autre qu’une main de fer pour garantir la reproduction du capital au détriment des intérêts des travailleuses et des travailleurs. Cela porte un nom: la justice sociale.