«L’incohérence des Verts genevois»
Le Parti écologiste genevois (PEG), aujourd’hui les Verts, a été fondé en 1983. Les dix premières années de son existence furent consacrées, contre railleries et insultes, à populariser nos réflexions, propositions et engagements. Grâce aux associations très actives telles que Pro Vélo, l’ATE et Pro Natura (leurs noms actuels) et grâce à l’alliance nouée avec le Parti socialiste, des améliorations sensibles et qu’on espère durables ont été apportées dans le canton et en ville, entre autres pistes cyclables créées et multipliées, modération du trafic automobile et vitesses limités, places de parc libérées et rues piétonnes augmentées, arborisation et cours d’eau renaturés, isolation accélérée des bâtiments. Et même une plage! C’étaient là les premières réponses aux demandes pressantes des groupes d’habitant·es, alors à peine prises en compte par les partis traditionnels et par nos autorités, et que le PEG se fit fort de relayer dans les cadres législatif puis exécutif.
Tous ces efforts ont exigé patience, énergie, ténacité; et les voici depuis plus de dix ans contredits, voire ruinés par une politique cantonale dictée à nouveau par cet «impératif de croissance» que contestait le PEG à l’origine, s’appuyant sur les travaux sérieux et pour certains déjà alarmistes de biologistes, physiciens, médecins, climatologues, architectes et économistes critiques. De ces travaux, le modèle fut et demeure le rigoureux rapport Meadows de 1972, Limits to Growth, régulièrement mis à jour depuis1>Edition en français: Les limites à la croissance dans un monde fini, Paris, L’Echiquier, 2022..
Inexorable, la prolifération autour de nous de blocs de béton lourds et gris, à la conception desquels aucun architecte imaginatif n’a visiblement été associé. Troubles investissements spéculatifs dans la pierre? Appartements, mais destinés à qui? A ceux qui cherchent désespérément un logement? (…)
Inexorables, les surélévations d’immeubles ou la construction de hautes tours qui cassent le paysage, aux étages inférieurs privés de soleil, et paradoxalement îlots de chaleur promis à un avenir douloureux?
Inexorable, la démolition en ville de toutes les villas familiales modestes, plus haïssables, dirait-on, que les forteresses arrogantes et bien gardées des fils de tyrans installés sans difficultés chez nous avec l’argent volé à leurs peuples?
Inexorables, la diminution des espaces de loisirs, la coupe massive des arbres centenaires et l’augmentation des surfaces commerciales si souvent vides?
Inexorable, le grignotage des jardins ouvriers, ou leur déplacement en lointaine périphérie?
Inexorable, la densification massive de notre ville, de notre canton, qui s’accompagne du pompage de la main-d’œuvre formée en France voisine dont elle a un urgent besoin dans le domaine hospitalier notamment? (…)
Le PLQ Acacias 1 avalisé récemment par le Conseil municipal – non sans réserves expresses d’élu·es socialistes – est comme le résumé de cet impératif de croissance, d’où le référendum lancé par le Collectif des associations d’habitant·es, signé par près de 5000 citoyen·nes de tous âges. Qu’il fallait entendre à l’heure de la récolte clamer leur désarroi et manifester leur dépit ou leur colère contre ces pratiques brutales et ces projets démesurés voulus par nos autorités responsables, qui planifient la vie et les activités des habitant·es sans prendre en compte leurs soucis, leurs attentes, leurs intérêts, leurs projets aussi, mettant à mal leurs solidarités de quartier, leur histoire partagée. (…)
Les Verts n’ont pas su relayer ce mécontentement comme ils l’auraient dû. Au contraire, une approbation inexplicable des coupes d’arbres en nombre à Bourgogne et pour l’aménagement de la future «voie verte» – un comble à l’heure où eux-mêmes plaident pour le climat, un comble pour des défenseurs attitrés de ce qui nous reste de nature. Et voici leur approbation du PLQ Acacias 1, qui n’est pas à taille humaine. Les Verts étaient parmi les seuls au Grand Conseil et au Conseil d’Etat à pouvoir et devoir immédiatement s’opposer à pareil projet ou à le reformuler selon leurs critères et leurs valeurs, en rupture avec l’idéologie réactivée de la croissance. L’impératif aujourd’hui est de voter résolument «non» au PLQ Acacias 1. Car l’avenir de nos quartiers, de notre ville, il est d’abord notre affaire.
Notes
Karel Bosco est historien, écologiste indépendant, Genève.