Édito

Convaincre

Brouillon auto 455
Antonio Hodgers, Conseiller d'Etat. KEYSTONE/Martial Trezzini
Politique

En un quart de siècle de présence politique, Antonio Hodgers a toujours été en porte-à-faux avec son parti, qu’il a pourtant présidé à divers niveaux. Altermondialiste lorsque les environnementalistes tenaient encore le mouvement écologiste; magistrat des plus pragmatiques, aujourd’hui que les Verts penchent résolument à gauche, le conseiller d’Etat genevois est un homme libre; pour ne pas dire libéral, grinceront ses contempteurs. Le bref ouvrage qu’il vient de publier chez Goerg ne manquera pas d’en grossir les rangs, tant ce Manifeste pour une écologie de l’espoir prendra certain·es militant·es climatiques à rebrousse-poil.

Que dit-il? Qu’à force d’asséner qu’un changement radical est urgent et indispensable à éviter la catastrophe, on a pris le risque de répandre la résignation dans de larges secteurs de la population. A la place, le Meyrinois défend la séduction du plus grand nombre, la transition écologique devant rimer avec recherche des convergences, entre intérêts sociaux et écologiques, entre «buen vivir» (le «bien vivre» autochtone) et progrès économique. Quitte à prendre parfois des mesures d’autorité contre des habitudes de consommation néfastes et inutiles au bonheur commun.

En somme, ne pas craindre de s’adapter, avec optimisme, détermination et solidarité, au changement climatique ainsi qu’au nécessaire combat pour le freiner. Et percevoir dans cette «épreuve» la fin d’un monde, finalement pas si désirable, et non la fin «du» monde.

Avec son discours relativement rassurant, Antonio Hodgers prend évidemment le risque inverse: du noir des collapsologues au vert teinté de rose de «l’écologie de l’espoir» pointe le même phénomène potentiel de déresponsabilisation. D’autant que le magistrat semble sous-estimer l’effet de spirale climatique (ou boucles de rétroaction), susceptible d’aggraver les conséquences du réchauffement.

Reste que le débat lancé par le Genevois est salutaire et son questionnement pertinent, à l’heure où la crise climatique se fait à nouveau discrète dans les agendas politiques. Face à une population qui choisit de mettre la tête dans le sable, face à la résignation de groupes sociaux pressés par d’autres urgences, Verts et alliés doivent s’interroger: comment garder le contact avec le plus grand nombre, sans pour autant renoncer à changer radicalement de cap? En se référant à l’eschatologie positive du mouvement ouvrier, Antonio Hodgers touche un point sensible et devrait d’ailleurs faire aussi réfléchir la gauche sociale. Si le chemin se fait en marchant, comme disait le poète Antonio Machado, l’horizon nous y guide assurément. Les injonctions morales et les millénarismes, en revanche, n’ont jamais ouvert le chemin d’une révolution.

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