Eau, sortir du déni
L’eau ne connaît pas de frontières. L’or bleu dévalant les Alpes suisses alimente les fleuves qui traversent l’Europe, irriguent les cultures et assurent le transport des marchandises. Mais avec le changement climatique, les régimes hydriques sont bouleversés, avec des conséquences parfois dramatiques. La plaine du Pô, grenier de l’Italie, a connu une sécheresse inédite l’été dernier, mettant à mal les récoltes. Le fleuve s’abreuve en partie dans le lac Majeur, qui lui-même se nourrit des neiges des sommets alentour. Quand l’or blanc manque et que la pluie ne tombe pas, le Pô s’assèche, laissant la place à une terre craquelée.
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Face à la catastrophe en cours, une vision globale est nécessaire. En tant que château d’eau d’Europe, la Suisse a une responsabilité particulière envers ses voisins. La Confédération a pourtant tendance à traîner des pieds quand il s’agit de créer un cadre clair sur le partage des eaux avec les pays frontaliers. Si la gestion du Rhin est clairement définie entre les pays qu’il traverse, les eaux du lac Majeur font quant à elles régulièrement l’objet de tensions entre l’Italie et le Tessin. Et le Rhône ne bénéficie pas encore à ce jour d’une convention cadre entre la France et la Suisse. Notre pays est en retard, scandent les expert·es, sans succès. Il est temps de sortir du déni. L’eau est appelée à manquer de plus en plus et ce n’est pas dans l’urgence que les décisions les plus rationnelles se prennent.
A l’intérieur du pays aussi, les conflits d’usage risquent d’augmenter, si l’on ne créé par un cadre global autour de l’eau. Face à la crise climatique et énergétique, le développement des infrastructures hydroélectriques est nécessaire. Mais on ne peut se passer d’une réflexion à long terme. Est-ce rationnel de miser uniquement sur l’eau de glaciers menés à disparaître? La politique de l’eau, qui est un bien commun, ne doit pas se baser sur une vision uniquement productiviste. Il est essentiel qu’elle accorde une place importante aux écosystèmes. La volonté du Conseil national de supprimer les débits résiduels (quantité minimale dans les cours d’eau) afin d’éviter des pertes de production des barrages est à ce titre inquiétante.
D’autres démarches sont plus réjouissantes à l’instar de l’initiative citoyenne de l’association id-eau, qui veut doter le Rhône d’une personnalité juridique pour lui donner les moyens légaux de se défendre.